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Épuisement du personnel présent

Rattrapage en chirurgie: «Je ne peux pas opérer parce qu'il manque d'infirmières»

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21 mars 2025
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Par La Presse Canadienne

«Je ne peux pas opérer parce qu'il manque d'infirmières», a raconté jeudi une chirurgienne qui travaille sur la Rive-Sud de Montréal depuis dix ans dans le cadre d'un colloque du Conseil pour la protection des malades. Plusieurs médecins se sont dits très inquiets de la pénurie de personnel qui rend presque insurmontable de pouvoir rattraper les retards accumulés en chirurgie.

La chirurgienne a témoigné à la suite d'une présentation du Dr Serge Legault, vice-président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Ce dernier a fait état de trois principaux «goulots d'étranglement», soit la difficulté d'accès à la première ligne, les délais pour voir un spécialiste à travers le Centre de répartition des demandes de service (CRDS) ainsi que l'accès au bloc opératoire.

«Présentement au Québec, les performances sont variables. C'est à peu près 85 % de l'activité opératoire qu'on avait avant la pandémie. Quatre-vingt-cinq pour cent de ce qu'il y avait avant, a-t-il répété un peu découragé. Et on nous demande de rattraper le retard.

«On fait notre possible. Les listes d'attente se sont un peu améliorées, mais on est rendu l'élastique très très étiré. Ce que ça fait, c'est que les personnes qui sont en place sont épuisées», a déclaré le Dr Legault.

Il a affirmé qu'à l'Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, une salle opératoire a récemment été fermée parce que trois anesthésistes se sont absentés pour des raisons de maladie et que deux autres sont parties en congé de maternité. Même si les effectifs étaient réduits, le bloc opératoire fonctionnait au maximum de sa capacité, a soutenu Dr Legault. «Ce que ça fait, c'est que les infirmières tombent au combat parce qu'on leur demande de rentrer le lendemain de leur garde. On leur demande toujours plus», déplore-t-il.

«Le goulot qui m'inquiète, et je vois ça depuis dix ans, c'est la pénurie de personnel, a commenté celle qui est chirurgienne générale sur la Rive-Sud. J'ai combien de priorité opératoire cette semaine? J'en ai zéro. Je ne peux pas opérer parce qu'il manque d'infirmières. Notre bloc fonctionne à 70 %.

«On se dirige dans un mur. Dans dix ans, je ne sais pas qui va m'assister et j'ai besoin d'une équipe pour opérer. [...] Je suis très inquiète de la situation au Québec», a-t-elle partagé.

Dr Legault s'est lui aussi dit très inquiet de la pénurie de personnel. Il a indiqué que beaucoup d'infirmières, d'inhalothérapeutes, de perfusionnistes se tournent vers le privé ou changent de province en raison des conditions de travail peu attrayantes. «Il n'y a aucune attractivité au Québec. Les gens vont soit au nord des États-Unis ou en Ontario pour pratiquer parce que la différence est souvent de 1 pour 2 pour l'échelle salariale», a mentionné Dr Legault, qui est aussi chirurgien depuis plus de 30 ans.

L'une des solutions qu'il a mises de l'avant est d'adopter une politique zéro annulation. À l'heure actuelle, le dernier patient de la journée est souvent annulé si la salle du bloc opératoire doit fermer. «Tu es cédulé, on va faire ce qu'il faut pour que tu sois opéré. Si la salle d'opération ferme à 4 h, tu vas être opéré quand même. On va trouver quelque chose. Là, c'est trop facile d'annuler le dernier cas», a fait valoir le vice-président de la FMSQ.

Les ratés informatiques en santé

Le Centre de répartition des demandes de services (CRDS) permet aux médecins de famille de référer des patients qui ont besoin d’une première consultation auprès d’un médecin spécialiste dans l'une des 26 spécialités participantes.

Non seulement le CRDS est lui aussi aux prises avec une pénurie de main-d'œuvre, le papier et les Fax représentent de 15 à 20 % des formulaires.

«Si c'était juste des ressources humaines, avec l'essor de l'intelligence artificielle et de l'informatique depuis plusieurs années, on pourrait dire que ça va aider, mais présentement, c'est un gâchis provincial l'informatique et la santé ne fait pas exception», laisse tomber Dr Legault.

De plus, les formulaires électroniques du CRDS ne permettent pas les échanges entre le médecin spécialiste et l'omnipraticien, par exemple pour un rapport de consultation qui serait manquant. Il est aussi impossible de connaître le délai qu'a vécu le patient avant le rendez-vous, déplore Dr Legault.

D’autre part, il souligne que de nombreux hôpitaux ne confirment pas les rendez-vous des patients. Il dit toutefois que de plus en plus le font. «Si on confirmait les patients, si le patient voulait dire qu'il n'a finalement pas besoin du rendez-vous, il aurait la chance de le dire et on aurait la chance de pouvoir le remplacer», explique-t-il.

La relation patient-médecin

Santé Québec s'affaire à réorganiser le temps opératoire dans le but de réduire la liste d'attente en chirurgie, en ayant comme priorité les patients qui attendent depuis plus d'un an.

Pour améliorer les listes d'attente hors délais, Alexis Guilbert-Couture, directeur des services spécialisés santé physique chez Santé Québec, expliquait en entrevue avec La Presse Canadienne le mois dernier qu'il faut octroyer plus de temps opératoire aux spécialités qui ont le plus d'attente. Autrement dit, le groupe de médecins qui a le plus de patients hors délais devrait avoir plus de temps opératoire. Ainsi, un médecin pourrait s'occuper du patient d'un autre médecin pour aller l'opérer plus rapidement.

Le Dr Legault a critiqué cette façon de faire. Selon lui, cela revient à «considérer les soignants comme des pions qu'on peut déplacer sans reconnaître leur spécificité». Il a fait valoir que la relation entre un patient et son médecin est unique.

«De dire: voici dix patients qui ont besoin d'être opérés pour une hernie, on va prendre cinq chirurgiens qui n'ont pas de liste d'attente et on va les faire opérer par ces cinq-là. C'est une bonne idée sur papier, mais c'est d'ignorer complètement la spécificité et l'importance du lien thérapeutique qui se crée entre un médecin et son patient», soutient Dr Legault.

Il ajoute que si le docteur et le patient sont tout les deux d'accord pour cette procédure afin d'aller plus vite, qu'il n'y a pas de problème. Il réitère cependant qu'il est certain que la relation avec le médecin est importante pour le patient.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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