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Journée internationale des femmes en génie

Les femmes encore minoritaires à choisir la voie du génie

durée 16h15
23 juin 2023
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Par La Presse Canadienne

On compte quatre fois plus de femmes en ingénierie aujourd'hui qu'il y a 30 ans. Malgré tout, elles demeurent fortement minoritaires dans ce secteur d'emploi. La Journée internationale des femmes en génie, soulignée chaque année le 23 juin, vise à encourager davantage de candidates à choisir cette vocation et à célébrer celles qui ont fait le saut.

Selon les plus récentes données compilées par l'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), la proportion de femmes en génie est passée de 4 % à 15 % en 30 ans, ce qui en fait néanmoins une des professions où les femmes sont le moins bien représentées dans la province.

«On voit une amélioration, mais cet enjeu de représentativité est le même un peu partout à travers le monde, où selon les pays on retrouve entre 14 % et 20 % de femmes ingénieures», commente Sophie Larivière Mantha, présidente de l'OIQ.

Plus de femmes sur les bancs d'école

Ingénieurs Canada, un organisme qui veille à l'harmonisation des lois sur le statut d'ingénieur partout au pays et qui fédère les différents ordres professionnels, souhaite faire passer le pourcentage d’ingénieures nouvellement admises à 30 % d’ici 2030 à travers le pays. Ce seuil est selon l'organisme le plancher à dépasser pour espérer un changement durable au sein de la profession en vue d'atteindre la parité.

Ce plancher a été atteint l'an dernier à Polytechnique, souligne sa directrice générale Maud Cohen, la première femme à occuper ce poste et ancienne présidente de l'OIQ. Les femmes représentent aussi 30 % des diplômés dans cet établissement, alors que la moyenne québécoise est de 20 %.

«On commence à voir le fruit d'années de travail et de sensibilisation, indique Mme Cohen. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a plus de boulot à faire.»

La directrice souhaiterait voir le nombre de femmes candidates à la profession d'ingénieure atteindre les 40 %, pour se situer en zone paritaire.

L'une des manières d'y parvenir serait d'encourager plus de femmes à enseigner le génie. «Là où on a du travail à faire, c'est dans le corps professoral. Chez nous, il n'y a que 17 % de femmes, signe qu'on a du chemin à parcourir», relève Mme Cohen. 

«Si, pendant leurs études, les étudiantes voyaient des femmes qui ont réussi et qui partagent leurs connaissances, ça les encouragerait encore plus, poursuit la directrice. Mais encore faut-il inciter ces professionnelles à faire des études supérieures pour les amener à partager leur savoir.»

Besoin de modèles

Pas moins de 58 % des ingénieures ont songé à se réorienter; elles sont 9 % plus nombreuses que leurs homologues masculins à avoir envisagé de quitter la profession.

Le manque de modèles féminins explique partiellement cette situation.

«Mon père est ingénieur, et pourtant, je ne m'étais jamais reconnue dans cette profession parce qu'il n'y avait pas d'exemple autour de moi jusqu'à ce que mon oncle marie une ingénieure», raconte Myrielle Robitaille, ingénieure chez Sia Partners. 

Les premières à être embauchées servent donc d'exemples pour les prochaines, avance sa patronne, Patricia Piuze, directrice exécutive en charge des pratiques de développement organisationnel. 

«Quand le milieu de travail compte déjà des femmes à qui on peut s'identifier, on peut développer un meilleur sentiment d'appartenance et d'inclusion, dit-elle. Ça aide énormément à attirer et à retenir des candidates

Mme Larivière Mantha est la cinquième femme à présider son ordre professionnel. 

«C'est justement en montrant que c'est possible, en tant que femme, d'accéder à des carrières valorisantes et d'avoir son mot à dire sur la profession qu'on va aller chercher l'intérêt d'autres femmes», dit-elle.

Encore des obstacles

Près d'une ingénieure sur deux (45 %) a fait face à des défis ou des obstacles freinant sa progression professionnelle, indiquent les données de l'OIQ, une statistique trois fois plus élevée dans la population générale.

Toujours selon les mêmes données, plus d'une ingénieure sur quatre a rapporté avoir été victime de discrimination dans son emploi actuel. Celle-ci se traduit entre autres par une opportunité manquée d'obtenir une promotion ou un nouvel emploi, par un recul sur des primes ou des avantages monétaires complémentaires à leur salaire ou par moins de responsabilités.

«En début de carrière, c'est normal d'avoir un déficit de crédibilité, parce que tu es jeune, parce que tu as moins d'expérience. Mais on dirait qu'il ne disparaît pas pour les femmes en génie. Même avec dix ans d'expertise, tu dois encore te prouver», soulève Mme Robitaille, qui témoigne avoir été moins considérée pour des postes de responsabilité en raison de son sexe.

Plus de la moitié (58 %) des ingénieures estiment par ailleurs que la conciliation travail-famille est un frein majeur à leur progression professionnelle. 

«Il y a une perception persistante comme quoi les deux sont incompatibles, affirme Mme Robitaille. J'ai souvent entendu, aussi bien de la part d'hommes que de quelques femmes, que les femmes doivent choisir entre leur famille ou leur carrière, comme si on ne pouvait pas être bonne dans les deux en même temps.»

Là aussi, le manque de représentation peut expliquer la persistance de ce préjugé. «Si être femme et ingénieure, ça commence à être plus normalisé, être mère et ingénieure, il y a moins de modèles», ajoute l'ingénieure, maman de deux enfants qu'elle a mis au monde avant d'entamer sa carrière.

Un ancien patron s'est déjà réjoui que sa famille soit complète avant de l'embaucher. «Comme ça, tu ne partiras pas», relate Mme Robitaille.

«C'est un préjugé de ne pas investir dans une candidate parce qu'elle pourrait partir [en congé de maternité], relève-t-elle. Heureusement, dans mon nouvel emploi, c'est même le contraire: on réalise que les femmes laissent tout en ordre au moment de partir!»

———

Cette dépêche a été rédigée avec l'aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.

Marie-Ève Martel, La Presse Canadienne

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