La maltraitance serait associée au recours à l'aide sociale
Par La Presse Canadienne
Les jeunes qui sont victimes de maltraitance seront ensuite deux ou trois fois plus susceptibles que les autres d'avoir recours aux prestations d'aide sociale, ont constaté deux chercheuses du CHU Sainte-Justine.
Cette conclusion s'applique aux jeunes issus de tous les milieux socio-économiques, et non uniquement à ceux qui proviennent d'un environnement plus défavorisé.
«S'il y a un événement dans la vie des enfants qui peut faire une différence sur leur trajectoire développementale sur le très long terme, en termes de leur santé physique et de leur santé mentale, c'est l'abus et la négligence qu'ils ont vécus au cours de l'enfance», a résumé Sylvana Côté, qui est cheffe adjointe d'axe, Cerveau et développement de l'enfant, au CHU Sainte-Justine.
Mme Côté et sa collègue Pascale Domond, qui complète un postdoctorat au CHU Sainte-Justine, ont comparé des données provenant de quelque 3000 participants à l'Étude longitudinale des enfants de maternelle au Québec, et nés en 1980, à des bases de données du gouvernement du Québec.
Les participants ont rempli, à l'âge de 22 ans, des questionnaires portant sur la maltraitance dont ils pouvaient avoir été victimes avant l'âge de 18 ans, et sur la violence qui pouvait leur avoir été infligée par un partenaire de vie entre les âges de 18 et 22 ans.
Environ 22 % des 1690 participants dont les données étaient disponibles ont affirmé avoir été victimes de maltraitance à l'enfance, 14,5 % de violence de la part d'un partenaire, et 18,5 % des deux.
La prévalence d'agressions physiques, sexuelles ou des deux à l'enfance était, respectivement, de 20,4 %, de 12,2 % et de 8,3 %.
Les chercheuses ont mesuré que la violence physique à l'enfance, ou une combinaison d’abus physiques et sexuels durant la même période, était associée à un risque triplé de recevoir de l’aide sociale, comparativement aux jeunes n’ayant jamais été violentés.
La maltraitance répétée, à l’enfance et à l’âge adulte (18-22 ans) de la part d’un partenaire, plus que triplait le risque.
«Pour les personnes qui ont vécu de l'abus à l'enfance et comme jeune adulte, le risque est trois fois et demie plus élevé d'avoir recours à l'aide sociale pour des périodes longues, c'est-à-dire cinq ans et plus, a ajouté Mme Côté, qui est également professeure à l'École de santé publique de l'Université de Montréal. Donc on parle vraiment d'une dépendance à l'aide sociale.»
Une éventuelle dépendance à l'aide sociale, poursuit-elle, est l'aboutissement d'une cascade d'événements négatifs qui seront liés, de près ou de loin, à la maltraitance, comme des difficultés dans les relations interpersonnelles ou encore des études secondaires non terminées.
Les facteurs qui augmentent le risque de négligence au sein d'une famille sont bien connus, a rappelé Mme Côté, d'où l'importance de se doter des outils nécessaires pour pouvoir les repérer (et donc intervenir) le plus rapidement possible, afin de réduire les coûts humains et sociétaux du problème.
On offre du soutien aux familles qui en ont besoin, poursuit-elle, «mais on mesure rarement si ce qu'on fait est efficace».
«Est-ce que ce sont les bonnes personnes qui utilisent les ressources et les services qu'on leur offre? Est-ce que ça a un impact?, a-t-elle demandé. C'est là que l'importance des données prend tout son sens.»
Mme Côté a récemment plaidé que le Québec devrait imiter les pays scandinaves et assurer une plus grande compatibilité des données dont les chercheurs ont besoin pour réaliser leurs travaux, d'autant plus que, selon elle, le Québec a des conditions très propices pour mettre en place ce genre de système de suivi.
«Si on dépense beaucoup d'énergie et de ressources humaines et financières pour soutenir les gens, mais que finalement on ne sait pas ce qui marche puis ce qui ne marche pas, même si souvent ce n'est pas blanc ou noir, probablement qu'on ne rentabilise pas au niveau financier et humain nos investissements», a-t-elle dit.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical Pediatrics.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
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