L’île Gagnon, visée par le projet de développement de Novatek, fait face, sur toute sa longueur, à la principale porte d’entrée du Parc
Projet de développement de l’île Gagnon : incompatible avec la mission de conservation et de protection du Parc de la Rivière-des-Milles-Îles
Par Salle des nouvelles
Depuis 35 ans, Éco-Nature travaille en concertation avec les citoyens, les villes riveraines et les gouvernements pour protéger la rivière des Mille Îles.
Au fil des années, près de 225 M$ ont été investis pour préserver ces écosystèmes d’exception, assainir l’eau de la rivière, aménager ses îles et ses rives dans le but d’offrir une gamme de plus en plus variée d’activités de découverte de la nature.
« Le Parc est un site vivant et accueillant. Nous avons choisi de protéger un bien commun, un investissement que nous souhaitons durable pour des centaines d’années à venir. Nous ne l’avons pas fait uniquement pour l’humain, mais aussi au bénéfice de la faune et de la flore », explique Jean Lauzon, cofondateur du parc, toujours actif au sein d’Éco-Nature.
L’île Gagnon, visée par le projet de développement de Novatek, fait face, sur toute sa longueur, à la principale porte d’entrée du Parc, soit la berge du Garrot. Prenant place à quelque 70 m du lieu où les visiteurs mettent leur embarcation à l’eau, ce projet immobilier et récréotouristique viendrait altérer de façon permanente la quiétude de cette oasis en plein cœur de la ville, en plus de présenter des enjeux environnementaux importants.
Le projet de l’île Gagnon ainsi que la partie en rive du projet de place Sainte-Rose sont tous deux incompatibles avec la mission de protection, de conservation et de mise en valeur du Parc, tant dans le déploiement que le choix des sites proposés.
Ces projets causeraient des préjudices importants et permanents à l’archipel Sainte-Rose, situé en plein cœur du Parc, en plus d’avoir des répercussions négatives sur le déploiement futur d’une offre de services permettant l’accès à la rivière d’ouest en est, sur 42 km.
Pour le bien collectif, protégeons la rivière et proposons des projets qui permettent à un plus grand nombre de citoyens d’en profiter.
Conférer à l’île Gagnon une affectation de protection
Pour ces raisons, Éco-Nature demande à la ville de doter l’île Gagnon de l’affectation de protection telle qu’on la lui avait octroyée dans les deux premières versions du Schéma d’aménagement révisé.
L’organisme demande également à la ville de mettre en place une réserve foncière sur les terrains visés par le projet de l’île Gagnon et le développement en rive de place Sainte-Rose.
Cette mesure laisserait de l’espace aux échanges et du temps à la consultation citoyenne et des organismes. Elle permettrait aussi le recul nécessaire à la recherche de solutions respectant les principes de développement durable.
Éco-Nature avait déposé un mémoire lors des consultations en lien avec la révision du schéma d’aménagement. Ce mémoire présentait notamment les recommandations suivantes :
- Reconnaître l’importance et le rôle du Parc de la Rivière-des-Mille-Îles et en faire une partie intégrante du schéma d’aménagement;
- Viser 17 % (cible CMM) à titre de seuil minimal de territoire protégé plutôt que les 14 % actuels;
- Créer des corridors naturels protégés pour interconnecter les habitats;
- Accroître la densité près du centre-ville et la réduire en bordure des milieux naturels et des rivières des Mille Îles et des Prairies;
- Limiter à deux étages les bâtiments en bordure des rivières afin de ne pas dépasser la hauteur de la canopée;
- Augmenter graduellement cette hauteur en s’éloignant des rivières;
- Clarifier la notion de paysage, le patrimoine naturel étant un élément déterminant de l’intégrité structurelle du territoire.
Retombées économiques importantes
Avec le développement sans précédent que connaît le Parc de la Rivière-des-Mille-Îles ces dernières années, ce dernier a tout le potentiel de se positionner comme un grand parc régional de conservation.
Ainsi, à l’instar du parc de la Gatineau, qui accueille plus de 600 000 visiteurs uniques annuellement avec des retombées économiques régionales de 184 M$ (2015), le Parc de la Rivière-des-Mille-Îles pourra, avec des aménagements ciblés, desservir la population du Grand Montréal, soit plus de 4 millions de personnes, plus que jamais à la recherche d’un contact avec la nature et friandes d’activités de plein air.
Sa clientèle annuelle est en forte croissance, plus de 15 % ces trois dernières années, avec 155 000 visiteurs en 2019. La berge du Garrot, principal site d’accueil, sera complètement réaménagée en 2020 pour prévenir la dégradation de la rive et atténuer l’impact des activités de mise en valeur lié à l’accroissement de l’achalandage.
Ce site a bénéficié d’investissements de près de 15 M$ de la part de la ville de Laval, de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) et de partenaires gouvernementaux, le Parc ayant fait partie d’un des quatre grands projets métropolitains ciblés dans le cadre de la Phase I du déploiement de la Trame verte et bleue, mené par la CMM.
Cet appui a notamment permis de doter le Parc d’un bâtiment d’accueil d’envergure internationale. Son nouveau Centre d’exploration, certifié Leed Or, a, par ailleurs, reçu le prestigieux prix Excellence tourisme 2019, volet Initiative en innovation et développement de l’offre.
Ces nouvelles installations ont permis au Parc d’obtenir l’agrément à titre de musée scientifique pour la qualité de sa collection inerte, mais aussi vivante.
La CMM vient tout juste de lancer la Phase II visant le développement de la Trame verte et bleue. Le Parc, accompagné de ses partenaires régionaux, souhaite déposer un projet visant l’implantation d’un réseau de transport écologique, utilitaire et récréatif, sur la rivière et en rive. Ce dernier proposera notamment à la clientèle des circuits autoguidés, un service de bateaux navettes électriques, la location de diverses embarcations ainsi que de vélos et vélos électriques.
Cette nouvelle offre de services permettra de réduire la pression sur le site d’accueil de Laval, d’accroître l’accessibilité aux citoyens de toutes les villes riveraines et de créer la connectivité dont ce parc a besoin pour poursuivre sa mission de mise en valeur et créer l’engagement citoyen nécessaire à la pérennité de ses écosystèmes.
Affirmer son statut d’aire protégée: grand projet d’agrandissement du refuge faunique
La mise en place de ce réseau s’appuie sur le déploiement d’un autre grand projet : celui de l’agrandissement du refuge faunique de la Rivière-des-Mille-Îles. Des efforts considérables ont été investis depuis 10 ans afin que cette aire protégée passe de 26 ha à 500 ha, faisant du Parc un des plus grands refuges fauniques de la province.
Ce projet vise à assurer le maintien de milieux naturels riches dans la région la plus densément peuplée du Québec, où les services écologiques accomplis par les milieux naturels sont d’autant plus importants :
- réduire l’impact des inondations et des îlots de chaleur, assurer un approvisionnement en eau potable de qualité pour plus de 500 000 citoyens,
- offrir des milieux de vie sains et soutenir une biodiversité insoupçonnée dans la grande région métropolitaine.
Grâce aux interventions d’Éco-Nature, la biodiversité de la rivière est demeurée exceptionnelle : le Parc accueille les deux tiers des espèces fauniques vertébrés du Québec. Cependant, la liste des espèces en péril ou à statut précaire observées sur le territoire du Parc continue de s’allonger, atteignant aujourd’hui 92 espèces. Dans ce territoire déjà largement fragmenté et fragilisé, la pression urbaine est toujours présente, avec moins du tiers des rives conservées à l’état naturel.
Porter une vision régionale du développement d’un grand parc de conservation
Ces actions sont en accord avec la vision portée par la ville de Laval concernant l’avenir de la rivière.
« L’archipel de la Rivière-des-Mille-Îles est identifié au PMAD [Plan métropolitain d’aménagement et de développement] comme un ensemble patrimonial d’intérêt métropolitain. En effet, outre son intérêt écologique, il présente un intérêt patrimonial qui réside dans son caractère naturel et dans les points de vue qu’il offre sur la rivière, les îles et les berges. » – Extrait du Schéma d’aménagement et de développement révisé de ville de Laval (2017).
Ainsi, le Schéma d’aménagement l’identifie comme une zone d’aménagement écologique particulière (ZAEP), prévoyant ainsi limiter les usages autorisés en proposant des balises d’aménagement écoresponsables. La rivière des Mille Îles a de plus été identifiée par la ville comme un corridor écologique.
Éco-Nature reconnaît l’importance des investissements privés pour revitaliser les régions. Ces derniers doivent cependant s’implanter dans des zones appropriées, pour éviter de nuire à des projets porteurs en plein essor, qui offrent déjà un rayonnement important.
À cet égard, la ville de Laval a identifié sept aires TOD (transit-oriented development) dans son schéma d’aménagement, incluant la gare de Sainte-Rose ; elle priorise la densification dans ces zones.
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