Selon des experts
Le soutien du public est un élément clé dans la grève des employés de Postes Canada
Par La Presse Canadienne
Le soutien du public est essentiel au succès d’une grève, selon des experts. Toutefois, à mesure que la grève de Postes Canada se prolonge, ce soutien devient probablement plus difficile à conserver.
«À mesure que les grèves se prolongent, elles deviennent plus difficiles à maintenir, et si le public ne se rallie pas à vous, cela peut être démoralisant pour le syndicat», a déclaré Larry Savage, professeur de droit du travail à l’Université Brock, en Ontario.
Plus de 55 000 travailleurs des postes sont en arrêt de travail depuis plus de quatre semaines.
La médiation fédérale a été interrompue il y a plus de deux semaines, car les deux parties étaient trop éloignées l’une de l’autre. Bien que des propositions aient été échangées récemment, il n’est pas certain qu’elles soient plus près de parvenir à une entente, Postes Canada et le syndicat critiquant leurs demandes et commentaires respectifs dans des déclarations publiques.
Entre-temps, les appels du milieu des affaires à une intervention gouvernementale ont été repoussés. Le ministre du Travail, Steven MacKinnon, a toujours déclaré que les deux parties avaient la responsabilité de s’asseoir à la table et de conclure une entente.
Jim Gallant, négociateur du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), affirme que sur les piquets de grève, les travailleurs de Postes Canada reçoivent le soutien dont ils ont besoin, en plus de cafés, des beignes, du poulet frit, des bonnets et des chaussettes tricotés et même des dindes de la part des citoyens.
M. Savage a cependant indiqué qu’il avait l’impression que l’opinion publique était jusqu’à présent partagée sur la grève.
«Je ne suis pas sûr que l’une ou l’autre des parties soit en train de gagner la guerre de l’opinion publique», a-t-il soutenu.
«Il semble qu’une bonne partie des gens ne semblent pas se soucier de la grève, mais ceux qui s’en soucient semblent partagés à parts égales entre Postes Canada et le syndicat. Et je pense que beaucoup de gens sont simplement frustrés et surpris que la grève ait duré aussi longtemps.»
Ce clivage s’est reflété dans un récent sondage Angus Reid, bien qu’il ait été réalisé au cours de la troisième semaine de l’arrêt de travail. Le sondage auprès d’un peu plus de 3000 Canadiens a révélé que 34 % d’entre eux étaient du côté de Postes Canada et de ses demandes, tandis que 29 % soutenaient le syndicat. Les autres n’étaient pas sûrs ou ne soutenaient aucun des deux camps.
Les publications sur les réseaux sociaux reflètent des opinions mitigées, certaines personnes exprimant leur frustration face aux perturbations et d’autres proclamant leur soutien aux travailleurs des postes en grève.
Adam King, professeur adjoint au département des études du travail de l’Université du Manitoba, a précisé que le discours en ligne ne dit pas tout.
«Il faut très peu d’efforts pour publier un commentaire sur un article, mais il en faut beaucoup plus pour se présenter à un piquet de grève», a-t-il déclaré.
Sur les piquets de grève que M. King a vus à Winnipeg, «le STTP a reçu beaucoup de soutien», a-t-il dit, de la part du mouvement syndical et du public.
Une tendance vers le soutien des syndiqués
MM. King et Savage ont affirmé qu’il y avait une tendance plus large à un soutien public accru aux travailleurs en grève ces dernières années.
«Le fait que Postes Canada ne soit pas une entreprise à but lucratif détenue par des milliardaires complique un peu les choses, car il est plus facile de s’en prendre à un baron de l’épicerie, par exemple, qu'à Postes Canada», a déclaré M. Savage.
Les deux experts ont affirmé que, même pour le secteur public, pour lequel les Canadiens ont historiquement eu moins de soutien en période de conflits de travail, le public s'est montré étonnamment favorable au cours des dernières années.
«Je pense que le public a été généralement très compréhensif et réceptif aux revendications des travailleurs à la suite de la pandémie», a expliqué M. King.
«Je pense qu'il y a eu un niveau de compréhension qui n'était peut-être pas là les années précédentes, que les gens comprennent vraiment que les gens sont dans une situation difficile, que les membres des syndicats sont aux prises avec une crise du coût de la vie, et qu'ils sont sensibles à leurs revendications.»
Alors que la grève de Postes Canada se prolonge, «je pense qu'il pourrait y avoir des changements dans l'opinion publique, et qu'il pourrait être plus difficile de la maintenir, surtout à l'approche de la période de Noël», a indiqué M. King.
Mais dans l'ensemble, «j'intégrerais cette grève dans ce modèle plus long» de soutien plus fort aux travailleurs en grève, a-t-il soutenu.
De la pression de la part des entreprises
M. Gallant a déclaré que, pendant que la grève se poursuit, il y a beaucoup de pression des deux côtés pour parvenir à un accord.
«Nous ne voulons pas être ceux qui gâchent Noël», a-t-il dit.
Les associations d’entreprises ont appelé à une intervention du gouvernement, affirmant que la grève porte préjudice aux propriétaires d’entreprises pendant la période clé des Fêtes.
Le jour du début de la grève, le président-directeur général de Shopify, Tobi Lütke, a publié sur le réseau social X que Postes Canada était un service essentiel et qu'il ne devrait pas être autorisé à faire la grève.
Les grèves sont toutefois censées perturber «les affaires courantes», a souligné M. Savage – la colère des clients et des propriétaires d’entreprises vise à faire pression sur les employeurs pour qu’ils parviennent à une entente.
Cependant, les grèves «risquent également d’aliéner le public», a-t-il ajouté.
Bea Bruske, présidente du Congrès du travail du Canada, a déclaré que le soutien du public est important pour les travailleurs pendant les grèves, car non seulement il remonte le moral sur la ligne de piquetage, mais il fait également pression sur l’employeur pour qu’il vienne à la table des négociations.
«Je veux dire, ils sont vraiment coincés, mais il y a de la pression de tous côtés. Il y a de la pression sur l'employeur, et il y a aussi de la pression sur le syndicat», a-t-elle dit.
Lorsqu'une grève dure plusieurs semaines, «il est plus difficile d'en voir la fin», a déclaré Mme Bruske.
Les groupes au sein du mouvement syndical comme le Congrès du travail du Canada tentent de maintenir l'élan par le biais des médias sociaux, des campagnes par courriel et des discussions avec les médias, a-t-elle expliqué.
«Il est essentiel de s'assurer de maintenir cet élan et le soutien du public à l'égard de la question.»
Rosa Saba, La Presse Canadienne
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