Une victime d'erreur judiciaire attend toujours les réponses promises par la police


Temps de lecture :
4 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
Robert Mailman soufflera ses 77 chandelles ce mois-ci et, en guise de cadeau d'anniversaire, il n'aimerait rien de plus que des réponses sur ce qui l'a conduit à passer 18 ans en prison pour un meurtre qu'il n'a pas commis.
Le Néo-Brunswickois espère mettre la main sur une copie de l'examen externe commandé par le chef de police de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, sur la gestion de son dossier par les autorités policières. M. Mailman et son ami Walter Gillespie ont purgé de longues peines de prison après avoir été reconnus coupables d'un meurtre en 1983, et ce n'est qu'en janvier 2024 qu'un tribunal a jugé qu'ils avaient été victimes d'une erreur judiciaire.
Le Comité des commissaires de police de Saint-Jean a indiqué que l'examen était terminé et qu'il faisait l'objet d'une vérification de confidentialité, mais aucune date n'a été donnée pour sa publication.
«J'aimerais voir l'examen, avoir des réponses», a déclaré M. Mailman lors d'une entrevue téléphonique la semaine dernière. «Une copie qui n'a pas de réponses, vous pouvez tout aussi bien la jeter à la poubelle.»
MM. Mailman et Gillespie ont été blanchis après que le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, a examiné leur dossier et ordonné un nouveau procès, citant des preuves qui remettaient en question l’équité générale de la poursuite.
Après que la Couronne a annoncé le 4 janvier 2024 qu’elle ne présenterait aucune preuve et que les hommes ont été formellement acquittés, des questions subsistaient sur la condamnation initiale de 1984. Innocence Canada, qui a mené la lutte pour exonérer les deux hommes, a allégué dans un document judiciaire que les condamnations étaient le résultat d’une «vision tunnel de la police, de la non divulgation de preuves importantes, des rétractations des deux principaux témoins de la Couronne» et du fait d'avoir ignoré les alibis solides des deux hommes.
M. Gillespie, qui a passé 21 ans en prison, avait allégué à plusieurs reprises avant sa mort en avril dernier qu’on lui avait dit qu’il pourrait éviter la prison en signant de faux aveux imputant la responsabilité du meurtre à M. Mailman. Il a rapporté que la police de Saint-Jean lui avait dit que s’il refusait de signer les aveux, il serait envoyé en prison à vie.
Punir la police
M. Mailman a fait savoir que si des membres de la police qui ont influencé des témoins ou falsifié des informations sont encore en vie, il aimerait les voir traduits en justice.
«Ils ne devraient pas y avoir de juge-bourreau ou quoi que ce soit d'autre d'assis dans un commissariat de police, a-t-il soutenu. Et s'ils ont fait quelque chose de mal, alors ils devraient être tenus responsables. S'ils ne sont pas tenus responsables (...) la prochaine erreur judiciaire est imminente.»
Le chef de police de Saint-Jean, Robert Bruce, a ordonné en janvier 2024 qu'un examen complet de l'affaire soit entrepris par l'agent retraité de la Gendarmerie royale du Canada Allen Farrah après que le tribunal eut exonéré les hommes. La semaine dernière, Tamara Kelly, présidente du comité des commissaires de police de la ville, a déclaré que le chef examinait le rapport pour s'assurer que des informations protégées ne soient pas divulguées.
«Une version du rapport sera disponible», a assuré Mme Kelly dans un courriel mercredi lorsqu'on lui a demandé si l'examen serait rendu public.
M. Mailman se questionne quant aux préoccupations en matière de confidentialité et à savoir si la police hésitait à identifier les policiers fautifs.
«Pourquoi ne devraient-ils pas être identifiés? Je veux dire, de quelle confidentialité parlent-ils?, a-t-il demandé. Ils n’ont pas hésité à nous identifier, moi et Wally (Gillespie), et à traîner nos noms dans la boue. Si quelqu’un en liberté et toujours vivant s’est impliqué dans cette affaire, il devrait être inculpé. Point final»
Ron Dalton, coprésident d’Innocence Canada, a affirmé que le ministère fédéral de la Justice et les procureurs de la Couronne du Nouveau-Brunswick ont passé au peigne fin les preuves et les condamnations lors de l’examen du dossier.
«Tous ces faits sont là, sous les yeux de tout le monde, depuis un certain temps, a-t-il déclaré. La police n’a pas besoin de plus de temps. Elle a juste besoin d’avoir le courage de se lever et de faire ce qui est juste.»
Bien que M. Mailmain note que des excuses seraient agréables, ce qu’il souhaite le plus c’est que ceux qui lui ont fait du mal soient tenus responsables. Il souffre d'un cancer du foie en phase terminale et dit qu'il s'affaiblit de plus en plus. «Je prends les choses un jour à la fois, a raconté l'homme dont l'anniversaire est le 14 mars. J'aimerais bien voir une copie de cet examen.»
Hina Alam, La Presse Canadienne