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Une étude implique l'effet fondateur dans certaines maladies cardiaques

durée 11h54
10 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Le profil génétique particulier des Québécois semble jouer un rôle important dans la manifestation de certaines maladies cardiaques, démontre une étude réalisée par des chercheurs de l'Institut de cardiologie de Montréal (ICM).

Le quart des patients testés dans le cadre de cette étude présentaient une anomalie génétique cardiaque identifiable. De plus, 71 % des participants avaient au moins un parent d'ascendance franco-canadienne, ce qui représente, assure-t-on, «une avancée importante» dans la compréhension du profil génétique des maladies cardiaques au sein de la population québécoise.

«Parce que ça établit la cause génétique pour le patient, ça peut guider le traitement pour le patient», a expliqué le directeur du centre de génétique cardiovasculaire de l’Institut de cardiologie de Montréal, le docteur Rafik Tadros.

«C'est aussi important parce que ça démontre que la maladie du patient est une maladie héréditaire, et donc qu'il y aurait une indication de dépister les membres de la famille avec un test génétique moléculaire et une prise de sang.»

L'étude a été réalisée sur une période de 14 ans et a impliqué presque 2100 patients présentant des arythmies ou des cardiomyopathies héréditaires suspectées.

Elle a mis à profit le laboratoire de diagnostic moléculaire de l’ICM, qui possède une expertise solide dans l’interprétation des tests cardiogénétiques dans la population québécoise, et la plateforme CARTaGENE (CaG), qui est à la fois biobanque et cohorte populationnelle du Québec.

Cela a permis une meilleure interprétation des variations génétiques identifiées chez les patients québécois avec maladie cardiaque héréditaire, a-t-on expliqué par voie de communiqué.

Le docteur Tadros estime que cette étude représente «une avancée majeure pour mieux comprendre les facteurs génétiques des maladies cardiaques dans la population québécoise», notamment en raison de l'ascendance franco-canadienne de nombreux participants.

«C'est important de bien connaître les bases génétiques de la population canadienne-française, parce qu'il y a certaines mutations que l'on voit de manière récurrente, a dit le docteur Tadros. C'est important de les connaître, mais aussi de comparer les variantes génétiques récurrentes par rapport à une cohorte populationnelle ou une banque de données populationnelles.»

Par exemple, a-t-il complété, les chercheurs ont constaté que certaines variantes qu'ils pensaient causales des cardiopathies parce qu'on les retrouvait fréquemment chez les patients se retrouvaient aussi dans la population québécoise en général, ce qui démontre qu'elles ne sont probablement pas causales.

En revanche, certaines variantes retrouvées chez les patients sont très rares dans la population en général, ce qui pointe en direction d'une causalité possible.

Ces résultats, a-t-il dit, ouvrent la voie à un dépistage plus ciblé et à une prise en charge améliorée des patients, avec des implications directes pour la prévention et la gestion des maladies cardiaques héréditaires.

Si les proches du patient initial sont porteurs de la même mutation génétique que celle impliquée dans sa cardiopathie, «il y a une indication de suivi en cardiologie, a précisé le docteur Tadros. Si on dépiste, c'est parce qu'il y a quelque chose à faire pour prévenir les complications».

Au-delà du dépistage familial, les résultats de l'étude sont utiles pour peaufiner le diagnostic et ajuster la prise en charge des patients, a-t-il dit, en citant en exemple des maladies du muscle cardiaque.

«Si on prend l'exemple des cardiomyopathies, certaines mutations augmentent le risque de décès soudain, d'arrêt cardiaque, a expliqué le docteur Tadros. Donc chez ces patients-là, on va avoir tendance à implanter un défibrillateur de manière plus précoce pour prévenir la mort subite, comparativement à un autre individu qui a la même présentation clinique, mais pas la mutation.»

Certains syndromes rares pourront aussi imiter la présentation d'une cardiomyopathie, alors qu'il s'agit dans les faits d'une maladie complètement différente qui nécessite un traitement différent, a-t-il ajouté; une analyse génétique permettrait ici d'en arriver à un diagnostic précis.

Ce sera la même chose s'il n'y a aucune cause évidente de la cardiomyopathie, ou si la cause n'explique pas la maladie dans sa totalité, a dit le docteur Tadros.

Cette étude confirme l'importance de la génétique pour les cardiopathies et pour les arythmies, et elle démontre l'importance d'avoir une expérience locale québécoise dans l'analyse génétique parce qu'on voit que notre population est différente, a-t-il conclu.

«Ça a un effet vraiment important au niveau de la prise en charge clinique, a dit le docteur Tadros. Quand on regarde la prévalence de certaines variations génétiques sur la population canadienne-française générale versus la population des patients, et qu'on est capables de reclasser un variant génétique comme étant causal versus non causal, c'est important non seulement pour le dépistage familial, mais aussi pour la prise en charge du patient.»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne