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Un représentant inuit envoie une lettre à Trudeau pour sauver un programme d'aide

durée 19h07
18 février 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Le chef de l'organisation représentative inuite à l'échelle nationale appelle le premier ministre Justin Trudeau à intervenir pour sauver un programme qui aide au financement de services pour les enfants inuits.

Dans une lettre envoyée au premier ministre la semaine dernière, le président de l'Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), Natan Obed, lui a demandé de marquer clairement l'intention de son gouvernement à poursuivre le financement de l'Initiative «Les enfants inuits d'abord» (ICFI), qui doit prendre fin le 31 mars.

«Nous sommes alarmés par la probabilité croissante d'une réduction brutale du financement du programme et des conséquences que cela aura pour nos familles et nos communautés», a écrit M. Obed le 12 février.

«Si le financement du programme n'est pas renouvelé, de nombreuses familles seront à nouveau vulnérables à la discrimination raciale systémique qui caractérise la prestation de services de santé et d'éducation dans l'Inuit Nunangat.»

La lettre a été envoyée après que M. Obed a déclaré que les organisations inuites signataires de traités ont négocié avec Ottawa une approche à long terme pour le financement du programme qui a été lancé en 2019 pour soutenir le principe de Jordan.

Le principe de Jordan découle d'une plainte pour atteinte aux droits de la personne déposée par l'Assemblée des Premières Nations et la société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations en 2007. Ces organisations ont fait valoir que les enfants autochtones se voyaient refusés des services équivalents à ceux offerts aux autres enfants en raison de conflits de compétence constants entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

En vertu du principe de Jordan, les familles peuvent demander et recevoir du financement quand ils en ont besoin, les provinces et le gouvernement fédéral doivent régler leur conflit de compétence à une date ultérieure.

Un service essentiel

«Les enfants inuits d'abord» finance une gamme de services au Nunavut seulement, notamment l'accès à des orthophonistes, des services de traitement des troubles du spectre de l'alcoolisation fœtale et des programmes d'alimentation scolaire, a indiqué l'Arctic Children and Youth Foundation (ACYF), qui aide à faciliter les demandes d'aide provenant de cette initiative.

«Les enfants inuits d'abord» aide également à financer des programmes de bons alimentaires. Dix-huit des 25 communautés du Nunavut sont inscrites, avec plus de 13 000 enfants inscrits. Les programmes de bons d'alimentation donnent aux familles 500$ par mois par enfant pour les aider à acheter de la nourriture, plus 250$ supplémentaires pour les enfants de moins de quatre ans.

Mardi, la ville d’Iqaluit a averti ses résidents de se préparer à la fin du programme.

L’ACYF a récemment sondé les communautés du Nunavut sur l’impact de la perte du programme et a partagé les réponses avec La Presse Canadienne.

«Beaucoup de gens dépendent de l’ICFI maintenant (…), si cela cesse, beaucoup d’enfants dépendront probablement à nouveau de la soupe populaire», a indiqué un agent administratif supérieur dans le sondage de l’ACYF.

«J’ai deux enfants anémiques. Nous ne sommes pas allés au centre de santé depuis le début du programme. C’est un changement agréable», a témoigné un autre membre de la communauté.

Il a toujours été prévu que l'initiative prenne fin le 31 mars. Avec la prorogation du Parlement, le gouvernement n’aura qu’une courte fenêtre pour faire adopter les fonds nécessaires pour maintenir le programme en vie pendant le nouvel exercice financier.

Silence gouvernemental

Mais M. Obed a fait savoir que les Inuits ont commencé à s’inquiéter de la survie du programme bien avant la prorogation du Parlement le 6 janvier.

«Nous avons eu l’impression qu’il y avait une distanciation au cours des six derniers mois, elle s’est accentuée au cours des deux derniers mois», a indiqué M. Obed à La Presse Canadienne.

Il a expliqué que les Inuits avaient suspendu les négociations il y a six mois afin de pouvoir obtenir une orientation claire d'Ottawa sur ce qu'ils étaient prêts à assumer à long terme. Pendant ce temps, ils se sont concentrés sur l'élaboration de ce à quoi ressemblerait un modèle de responsabilité partagée.

«Il a cependant été difficile de négocier ce modèle partagé lorsque nous n'avons pas de conditions claires de la part du gouvernement fédéral sur ce qu'il est prêt à négocier et ce qu'il ne veut pas», a déclaré M. Obed.

Il a ajouté qu'il a eu un bon dialogue avec la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, mais que la ministre n'a pas non plus été en mesure de donner une orientation claire sur le programme.

«J'espère qu'il ne s'agit pas simplement d'un calcul froid de priorité politique dans lequel le pays a décidé qu'il avait dépensé trop d'argent pour les peuples autochtones, et que c'est l'un des domaines dans lesquels il devrait commencer à serrer les cordons de la bourse», s'est-il inquiété

Le ministre de la Santé du Nunavut, John Main, a déclaré qu'il avait demandé à Mme Hajdu des informations sur l'avenir du programme, mais n'avait reçu aucune réponse.

«Cela m'inquiète beaucoup, le fait de ne pas savoir, parce que je regarde les aspects de santé qu'il présente et tous les avantages», a déclaré M. Main.

«Du côté de la nutrition, par exemple, nous savons que l'un des principaux problèmes auxquels nous sommes confrontés, ici, au Nunavut, est l'insécurité alimentaire.»

Le président nouvellement élu de Nunavut Tunngavik, Jeremy Tunraluk, a déclaré qu'il n'avait pas non plus reçu de réponse du bureau de Mme Hajdu à ce sujet.

«Nous avons pris contact à plusieurs reprises (...). C'est vraiment très inquiétant que nous n'obtenions aucune réponse de son bureau», a noté M. Tunraluk.

La ministre Hajdu n'était pas disponible pour une entrevue mardi pour répondre à la lettre de M. Obed. La Presse Canadienne a contacté le cabinet du premier ministre pour obtenir des commentaires, mais n'a pas encore reçu de réponse.

Dans une précédente entrevue avec La Presse Canadienne, Mme Hajdu disait qu'Ottawa s'est engagé à coélaborer un modèle à long terme pour le programme.

«Je sais qu'il y a beaucoup d'anxiété liée à la position politique actuelle du gouvernement, a-t-elle concédé, mais je peux vous dire que l’engagement de ce gouvernement est de continuer à soutenir non seulement l'initiative, mais aussi une mise en œuvre autodéterminée.»

Nick Murray, La Presse Canadienne