Transgenre: Smith ne croit pas qu'elle aura besoin d'invoquer la clause dérogatoire
Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
EDMONTON — La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a dit qu’elle ne pensait pas avoir besoin d’invoquer la clause dérogatoire de la Charte pour protéger ses trois projets de loi sur les personnes transgenres des contestations judiciaires.
Les projets de loi ont été adoptés en troisième et dernière lecture à l’Assemblée législative cette semaine et devraient devenir loi. Deux organisations de défense des droits des personnes LGBTQ+ — Egale Canada et Skipping Stone Foundation — ont déclaré qu’elles prévoyaient de déposer une contestation judiciaire.
Il est prévu que la contestation portera sur le motif que les projets de loi violent les droits garantis par la Charte, notamment les droits à l’égalité.
«Je ne veux pas préjuger de la décision du tribunal», a indiqué Mme Smith aux journalistes lors d’une conférence de presse, mercredi, lorsqu'un média lui a demandé si elle utiliserait la clause dérogatoire.
«Nous présenterons un argument solide: cette (législation) est raisonnable dans une société libre et démocratique, elle est fondée sur des preuves et nous protégeons les enfants et leur droit de pouvoir prendre des décisions d’adultes en tant qu’adultes.»
Un des projets exigerait que les enfants de moins de 16 ans aient le consentement parental s’ils veulent changer de nom ou de pronom à l’école.
Une loi similaire régit la politique scolaire en Saskatchewan, où le gouvernement a invoqué l'année dernière la clause dérogatoire, une mesure qui permet aux gouvernements de passer outre certains droits garantis par la Charte pendant une période allant jusqu'à cinq ans.
Les projets de loi de l'Alberta vont plus loin, englobant une gamme de sujets allant de l'éducation sexuelle à la chirurgie transgenre et aux sports.
Un projet de loi fait que les parents devraient inscrire leurs enfants pour qu'ils reçoivent des cours à l'école sur la sexualité, l'orientation sexuelle et l'identité de genre s'ils veulent qu'ils en reçoivent. Les ressources ou présentations extérieures devraient également être approuvées au préalable par le ministère de l'Éducation, à moins qu'elles ne fassent partie d'un programme scolaire religieux.
Les médecins ne seraient pas autorisés à proposer des traitements d'affirmation de genre, tels que des bloqueurs de puberté et une hormonothérapie, aux moins de 16 ans. Les chirurgies d'affirmation de genre «au niveau du haut» seraient interdites pour les mineurs.
Les athlètes transgenres ne seraient plus autorisés à concourir dans les sports amateurs féminins, et les organisations sportives seraient tenues de signaler les plaintes d'admissibilité au gouvernement.
Une opposition marquée
Bennett Jensen, directeur juridique d’Egale, a déclaré que les projets de loi et les mois de débat qui les ont précédés ont déjà porté préjudice aux enfants et aux athlètes transgenres.
M. Jensen a ajouté que, lorsque les dirigeants politiques discriminent un segment de la population, ça envoie le message qu'il y a quelque chose qui cloche avec cette identité.
«Les conséquences d’un débat public sur votre identité pendant des mois sont dévastatrices», a martelé M. Jensen dans une entrevue. «L’anxiété, la dépression et le harcèlement sont en hausse, et ce, sans aucune mesure légale.»
M. Jensen a également contesté l’affirmation de Mme Smith selon laquelle l’interdiction des bloqueurs de puberté empêche les enfants de prendre des décisions de vie irréversibles.
«Les bloqueurs de puberté font exactement ce qu'elle prétend vouloir protéger pour les jeunes, c’est-à-dire leur donner du temps et empêcher des changements irréversibles», a-t-il soutenu.
L’Association canadienne des libertés civiles a indiqué qu’elle pourrait chercher à intervenir dans la contestation judiciaire.
«C’est une période sombre pour la liberté en Alberta», a déclaré Harini Sivalingam, directrice du programme d’égalité de l’association, dans un communiqué.
«L’adoption de ces lois intrusives va gravement miner la liberté des individus et des familles de prendre des décisions profondément personnelles sur leur vie.»
Le chef du NPD de la province, Naheed Nenshi, a indiqué qu'il s'attendait à ce que certaines mesures législatives du gouvernement conservateur-uni soient jugées inconstitutionnelles par les tribunaux et s'est demandé pourquoi Mme Smith estime que son projet de loi est différent.
«(Le premier ministre de la Saskatchewan) Scott Moe savait que c'était inconstitutionnel et a utilisé la clause dérogatoire de manière préventive», a pointé M. Nenshi aux journalistes.
Lisa Johnson, La Presse Canadienne