Stephen Harper se dit perplexe et ébranlé par les tensions entre le Canada et l'Inde


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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — L'ancien premier ministre Stephen Harper a affirmé lors d'une conférence en Inde le mois dernier qu'il ne comprenait pas entièrement pourquoi le Canada entretenait de si mauvaises relations avec l'Inde, et a laissé entendre que le Parti libéral avait été infiltré par des militants sikhs qui souhaitent créer un État distinct de l'Inde.
«Franchement, j'ai été profondément attristé par la détérioration constante de ces relations sous la direction de mon successeur. Je ne crois pas en comprendre entièrement la raison», a-t-il affirmé lors de son allocution durant la conférence qui s'est tenue le 28 février à New Delhi, intitulée le NXT Conclave.
Ses commentaires ont été publiés sur YouTube.
Les liens entre Ottawa et New Delhi sont au plus bas depuis l'automne 2023, lorsque le premier ministre de l'époque, Justin Trudeau, a affirmé que son gouvernement disposait d'«allégations crédibles» liant des agents du gouvernement indien au meurtre d'un militant sikh près de Vancouver.
Un an plus tard, Ottawa a expulsé six diplomates indiens après que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a allégué que New Delhi était à l'origine d'actes généralisés de meurtre, d'extorsion et de coercition au Canada.
New Delhi est accusée d'avoir joué un rôle dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar, un activiste canadien qui avait milité pour la création d'un État sikh indépendant appelé Khalistan.
M. Harper a brièvement fait allusion aux enquêtes criminelles en cours dans son discours, déclarant: «Je ne suis certainement pas en mesure d'évaluer les accusations.»
Dégradation des relations
Le gouvernement indien affirme que le mouvement pro-Khalistan menace la sécurité nationale du pays. Le Canada assure depuis longtemps qu'il défend l'intégrité territoriale de l'Inde, mais qu'il ne réprimera pas la liberté d'expression de ses citoyens.
Cette question était devenue un irritant sous le gouvernement Trudeau. Si la série de référendums sur la séparation tenue au Canada et les images de chars allégoriques sikhs évoquant de la violence n'ont guère retenu l'attention des grands médias canadiens, ces incidents ont fait l'objet de reportages passionnés en Inde.
Justin Trudeau a également provoqué la colère du premier ministre indien Narendra Modi lorsqu'il a exprimé son inquiétude face à la répression du gouvernement lors de manifestations d'agriculteurs en Inde, auxquelles participaient un grand nombre de sikhs.
Stephen Harper a soutenu que le gouvernement libéral avait adopté une approche différente à l'égard d'une «minorité marginale» qui soutient le Khalistan et nuit aux relations canado-indiennes. Il a affirmé que son gouvernement partait du principe que la plupart des Canadiens ne s'intéressaient pas à ce mouvement sécessionniste.
«Il est temps que tous les partis politiques et tous les politiciens du Canada se concentrent sur le renforcement des liens interpersonnels, qui rejoint la grande majorité de notre population, au lieu d'établir des relations avec les militants pro-Khalistan», a affirmé l'ancien premier ministre conservateur.
«Je félicite le gouvernement du premier ministre Modi de ne pas avoir perturbé ces liens interpersonnels compte tenu de la froideur actuelle entre les gouvernements.»
«Au Canada, on a le droit d'être pro-Khalistan. C'est une opinion démocratique, a reconnu M. Harper, mais cette opinion ne devrait pas s'infiltrer dans notre parti au pouvoir et ne devrait pas entraver les bonnes relations entre l'Inde et le Canada.»
Le chef d'État indien est connu pour être proche de Stephen Harper, qui préside l'Union Démocrate Internationale, une coalition mondiale de partis conservateurs qui comprenait autrefois le Parti Bharatiya Janata de M. Modi.
En 2019, Stephen Harper a rendu visite à M. Modi en Inde et, sur le réseau social X, a parlé de lui comme étant un ami et le «dirigeant le plus important de l'Inde depuis l'indépendance», qui «façonne toutes les conversations sur la géopolitique et l'économie mondiale».
L'ingérence étrangère indienne
En janvier, l'enquête nationale sur l'ingérence étrangère a qualifié l'Inde de «deuxième pays le plus actif en matière d'ingérence étrangère électorale au Canada», notamment en lien avec l'enjeu du Khalistan.
«L'Inde concentre ses activités d'ingérence étrangère sur la communauté indo-canadienne et sur des personnalités non indo-canadiennes pour atteindre ses objectifs», a rapporté l'enquête. «Des renseignements indiquent que des agents mandataires pourraient avoir fourni, et continuer de fournir, un soutien financier illicite à divers politiciens canadiens afin de garantir l'élection de candidats pro-indiens ou d'exercer une influence sur les candidats élus», a conclu l'enquête. Il y est précisé que certains de ces candidats pourraient ne pas être conscients de l'influence de l'Inde.
La Presse Canadienne a contacté Stephen Harper par l'intermédiaire de son cabinet de conseil pour obtenir ses commentaires, mais n'a pas reçu de réponse.
Dans ses déclarations tenues lors de la conférence, M. Harper a également averti que l'ordre mondial est en train de se dégrader et a affirmé que les puissances moyennes, comme l'Inde et le Canada, devraient collaborer davantage sur les secteurs des minéraux critiques et du renseignement, au lieu d'encourager une culture de sphères d'influence puissante et dure.
«Le monde qui émerge n'est pas souhaitable pour l'humanité. En fait, cet état de fait reflète de manière inquiétante les rivalités de l'avant-première Guerre mondiale, et l'histoire nous montre où cela a mené», a-t-il noté.
«Que Dieu nous vienne en aide alors que nous entrons dans une nouvelle période de ce type, marquée par la combinaison d'armes de pointe et de puissance informatique.» Stephen Harper a reconnu que les droits de douane imposés par Donald Trump sur le Canada sont injustifiés et qu'il est troublé par la «vision apparemment agnostique» du président américain envers les nations démocratiques, citant ses «attaques gratuites contre des pays comme le Canada et le Danemark» tout en se rapprochant de la Russie et de la Turquie.
Dylan Robertson, La Presse Canadienne