Sensibiliser les hommes pour lutter contre la violence familiale en Nouvelle-Écosse
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Par La Presse Canadienne, 2024
HALIFAX — Bien avant que Brenda Tatlock-Burke ne soit tuée par son mari en octobre, il y avait des signes de comportement contrôlant et coercitif de ce dernier.
«En tant qu’enfants de ma mère, si nous disions quelque chose qu’il désapprouvait, nous n’avions littéralement pas le droit d’aller la voir», a raconté la fille de Mme Tatlock-Burke, Tara Graham, à propos de son beau-père, l’agent retraité de la Gendarmerie royale du Canada Mike Burke. «Il l’a fait avec ses amis et ses proches au fil des ans. Il contrôlait l’argent, les finances.»
Tara Graham, 41 ans, ne pense pas que sa mère ait été physiquement maltraitée pendant son mariage, mais le comportement coercitif de Mike Burke s’est intensifié au fil du temps. Et maintenant, elle exhorte les gens à le reconnaître comme un signe avant-coureur. «Ce sont de graves problèmes de contrôle et des traits de caractère abusifs qui peuvent passer inaperçus pendant très longtemps», a-t-elle soutenu lors d’une entrevue mercredi.
Le 18 octobre, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a répondu à une demande de vérification du bien-être dans une maison d’Enfield, en Nouvelle-Écosse, et a trouvé les corps de Brenda Tatlock-Burke, 59 ans, et de Mike Burke, 61 ans. La police affirme que l'ancien gendarme est mort des suites de blessures auto-infligées, et Tara Graham a indiqué que le médecin légiste a déterminé que sa mère était morte des suites d’une blessure par balle.
Depuis la mort de Mme Tatlock-Burke, cinq autres femmes de la Nouvelle-Écosse ont été tuées par des hommes dans des cas considérés comme de la violence conjugale. Quatre des hommes se sont suicidés et le cinquième a été accusé de meurtre au deuxième degré.
Alors que la Nouvelle-Écosse reconnaît ce que le gouvernement a qualifié d'épidémie de violence conjugale, Tara Graham et les experts en violence domestique estiment qu'il faut davantage de soutien ciblant les hommes. «Nous faisons porter toute la responsabilité aux victimes. Nous imputons la responsabilité aux victimes d’obtenir de l’aide, de sortir et de consulter un psychologue, a fait valoir Mme M. Graham. Nous n’imputons jamais la responsabilité à l’agresseur, à l’homme, de consulter un psychologue à l’avance.»
S'attaquer aux causes profondes
Robert Wright, travailleur social, thérapeute et directeur émérite de la Peoples’ Counselling Clinic, un organisme à but non lucratif d’Halifax, a déclaré que la Nouvelle-Écosse est en retard dans ses efforts pour identifier et traiter les signes précoces qui indiquent un risque de violence conjugale. Si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes de la violence masculine – qui incluent souvent des abus subis par les agresseurs eux-mêmes lorsqu’ils étaient enfants ou adolescents –, le nombre de décès dus à la violence familiale ne diminuera probablement pas, a-t-il expliqué.
Idéalement, a déclaré M. Wright, des efforts devraient être faits pour suivre et surveiller les signes précoces de violence chez les garçons et les hommes afin qu’ils puissent bénéficier d’un soutien en santé mentale avant que leur comportement ne s’aggrave.
La Nouvelle-Écosse offre une prévention primaire par l’éducation dans les écoles et des campagnes de promotion publique, a-t-il pointé. Il existe également ce qu’il décrit comme une prévention tertiaire – des conseils et une réadaptation pour ceux qui ont déjà commis des actes de violence.
«Mais ce qui nous manque vraiment, c’est une bonne prévention secondaire, qui détecte et traite les problèmes dès qu’ils commencent à se développer», a souligné M. Wright. Selon lui, cela pourrait impliquer que des professionnels de la santé ou des travailleurs sociaux scolaires identifient et signalent les signes avant-coureurs chez les jeunes afin qu’ils puissent bénéficier de soins de santé mentale et d’un soutien.
Emma Halpern, directrice de la Société Elizabeth Fry de la Nouvelle-Écosse continentale, convient qu’il n’y a pas assez de soutien en place pour prévenir la violence conjugale.
«Il y a eu très, très, très peu de ressources mises à disposition pour la prévention et les solutions communautaires, et c’est, à mon avis, pourquoi nous en sommes là», a indiqué Mme Halpern lors d’une entrevue mercredi.
Elle exhorte la province à accorder du financement aux organismes communautaires pour offrir des programmes qui s’adressent à la fois aux survivants de violence familiale et aux auteurs potentiels de violence. Il faut davantage de soutien communautaire en matière de santé mentale, a-t-elle déclaré, ainsi que de l’argent pour les organismes qui aident les gens à échapper à la violence familiale sans impliquer la police, ce qui, selon elle, dissuade souvent les gens de chercher de l’aide.
Tara Graham convient qu’il faut beaucoup plus de ressources pour lutter contre la violence conjugale, et en attendant, elle appelle les gens à s’exprimer lorsqu’ils voient des signes inquiétants parmi leurs amis et leur famille.
«Nous devons avoir ces conversations (…) Nous devons apprendre à intervenir et à dire quelque chose, sans nous soucier de ce que les gens ressentent et du fait qu’ils n’apprécieront peut-être pas que vous vous exprimiez, a-t-elle déclaré. Je préférerais dire quelque chose, et peut-être que cela atteindra une personne, que ça les aidera à repenser leur comportement ou à repenser la situation dans laquelle ils se trouvent.»
Lyndsay Armstrong, La Presse Canadienne