Quand les dinosaures avaient des ailes
Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le monde de la paléontologie a fait un grand pas en avant grâce à une nouvelle découverte sur un dinosaure à plumes connu sous le nom de microraptor.
Une équipe scientifique internationale a récemment étudié des traces de ce dinosaure trouvées en Corée du Sud. Des traces uniques et particulières, dont les empreintes, d’à peine 1 cm de long, montrent deux pistes. Sur la première, les empreintes sont très rapprochées, comme s’il marchait à environ 2 kilomètres à l’heure. Sur la seconde, chaque empreinte de pas est distanciée des autres d’une trentaine de centimètres. C’est cette seconde piste qui a particulièrement intéressé les scientifiques, car elle suggère une vitesse de course digne d'un certain Usain Bolt.
L’équipe a fait quelques calculs, explique Hans Larsson, professeur en biologie à l’Université McGill et membre de l’équipe. Des empreintes aussi espacées pour une longueur aussi petite – et donc un animal aussi petit qu’un moineau – correspondent à une vitesse d’une quarantaine de kilomètres à l’heure. Une telle vitesse, selon les scientifiques, n’a pu être atteinte que grâce à une chose: les ailes du microraptor.
Pour ceux qui en étaient restés à la version des lézards géants du «Parc jurassique», on a découvert depuis qu’il a existé certaines espèces de dinosaures avec des plumes et des ailes, et qu’une de ces espèces a évolué pour devenir nos oiseaux actuels. Oui, Steven Spielberg disait vrai: les dinosaures se sont transformés en oiseaux.
Cependant, ce n’est pas ce dinosaure-là qui était à l’étude cette fois-ci. Le microraptor s’est éteint. Il vivait il y a près de 150 millions d’années, côte à côte avec les oiseaux. Du moins, ceux de l’époque. «C’est le même genre d'animal que les raptors du ‘Parc jurassique’, mais en beaucoup, beaucoup plus petit», décrit le spécialiste de la biomécanique, les plumes et les ailes en plus.
La trace en Corée du Sud est la première preuve tangible que ces petits dinosaures à plumes pouvaient atteindre de tels pics de vitesse, insiste le professeur. Et la seule façon possible, continue-t-il, était en utilisant leurs ailes, un peu comme peut le faire aujourd’hui une bernache du Canada avant de prendre son envol.
Cela voudrait-il dire que le mircoraptor savait voler? Le scientifique ironise: «On ne trouvera jamais le fossile d’un dinosaure en plein vol! Mais c’est la première fois qu’on a la preuve qu’ils utilisaient leurs ailes, ne serait-ce que pour de la course de vitesse au sol et la vitesse à laquelle il court est excitante, car c’est à la limite de la vitesse à laquelle il pourrait s’envoler.»
Qu’il ait pu voler ou pas, la découverte de l’équipe crée un tout nouvel écosystème dont on ignorait l’existence, pointe Hans Larsson. Elle laisse penser que le vol n’a pas pris une seule voie, à la trajectoire linéaire, dans l’histoire de l’évolution, mais qu’il y aurait plutôt eu beaucoup de variations dans l’exploration du vol et dans les comportements semblables au vol pendant des millions d’années.
Pour le professeur Larsson, la partie à venir de l’étude est très enthousiasmante, car c’est maintenant que les scientifiques vont pouvoir étudier de plus près la biomécanique de ces animaux et son évolution sur une longue période et un large territoire – des échelles de l’ordre d’un continent ou même planétaires.
«L’aboutissement final est que, si on peut mieux comprendre comment un écosystème a évolué et s’est adapté à quelque chose comme des changements climatiques, on peut espérer avoir une vue plus large et mieux informée de comment les écosystèmes d’aujourd’hui gèrent le changement climatique ou tout autre changement environnemental», conclut le professeur.
Caroline Chatelard, La Presse Canadienne