Ottawa présente lundi son énoncé économique dans le contexte de l'élection de Trump
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — L'énoncé économique d'automne des libéraux devrait révéler lundi un déficit plus important que promis et fournir des détails sur la manière dont le gouvernement s'attaquera à la menace des tarifs américains avant l'investiture de Donald Trump au cours de la nouvelle année.
Un haut fonctionnaire du gouvernement a déclaré que la mise à jour budgétaire comprendra des mesures visant à encourager les investissements des entreprises au Canada.
La source, qui n'était pas autorisée à discuter de ces questions publiquement, a affirmé que le gouvernement se concentrait sur la façon de garder et d'attirer des capitaux au Canada en prévision de la prochaine administration américaine avec un programme «l'Amérique d'abord».
Vendredi, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a indiqué qu'avec M. Trump comme président, les États-Unis ont une stratégie ouverte de création d'incertitude économique dans d'autres pays pour décourager les investissements «ailleurs qu'aux États-Unis».
Elle a dit qu'il y avait une lutte mondiale pour les investissements et les emplois qu'ils apportent, et que le Canada devait se montrer ferme dans sa lutte pour les capitaux.
«Nous devons prendre la parole et dire que le Canada est un endroit formidable où investir», a-t-elle soutenu, promettant de développer ces commentaires dans l'énoncé économique d'automne.
Elle a déjà indiqué que la déclaration de lundi comprendrait des réformes fiscales d'un programme qui vise à encourager les entreprises à mener des recherches et du développement au Canada. Le gouvernement estime que les réformes représenteront 26 milliards $ en incitations fiscales pour les entreprises canadiennes.
Le mois dernier, M. Trump a menacé d'imposer un tarif d'importation de 25 % sur toutes les marchandises en provenance du Canada et du Mexique à moins que les deux pays ne mettent fin au flux de migrants et de drogues illégales vers les États-Unis.
Le gouvernement s'est démené pour répondre à cette menace depuis et la semaine dernière, le premier ministre Justin Trudeau a présenté certains détails d'un plan aux premiers ministres lors d'une conférence téléphonique virtuelle.
Il est attendu que certains de ces détails soient rendus publics lundi.
L'objectif de déficit sera-t-il atteint ?
Il y a un an, Mme Freeland a annoncé un ensemble de garde-fous budgétaires en réponse à la pression de la Banque du Canada et des économistes pour éviter d'alimenter l'inflation avec trop de dépenses.
Ils comprenaient notamment le plafonnement du déficit à 40,1 milliards $ en 2023-2024 et la poursuite de la baisse du ratio dette/PIB. Les prévisionnistes pensent déjà que le gouvernement a dépassé le plafond du déficit, le directeur parlementaire du budget prévoyant qu'il atteindrait 46,8 milliards $.
Le 10 décembre, Mme Freeland a déclaré aux journalistes qu'elle s'attendait à ce que l'énoncé économique de l'automne respecte la promesse du ratio dette/PIB, mais, lorsqu'on lui a demandé si elle atteindrait également son objectif de déficit, elle n'a pas répondu.
«J'ai choisi mes mots avec soin, car il est important d'être clair avec les Canadiens. Il est important d'être clair avec les marchés financiers», a-t-elle dit.
Le non-engagement de Mme Freeland survient alors que les tensions s'accroissent au sein du caucus libéral et du cabinet sur la façon de renverser la situation politique avant les prochaines élections fédérales.
Il est essentiel de s'attaquer à l'incertitude économique et à la frustration persistante des Canadiens face au coût de la vie, mais la pause de deux mois de la taxe fédérale sur les produits et services (TPS) sur certains articles qui a commencé samedi n'a jusqu'à présent rien fait pour faire bouger l'aiguille des sondages en faveur des libéraux.
Les libéraux ont également promis d'envoyer des rabais de 250 $ au printemps aux travailleurs canadiens qui ont gagné moins de 150 000 $ l'année dernière. Cependant, l'avenir de cette promesse demeure incertain, car les libéraux ont du mal à convaincre un parti d'opposition de soutenir la proposition.
La pause de la TPS, qui cible des biens et services que les gens privilégient à Noël, comme les jouets, les vêtements pour enfants, les repas au restaurant et certains types d'alcool, devrait coûter au moins 1,6 milliard $.
La réduction de 250 $ coûterait environ 4,7 milliards $ comme prévu initialement.
«Il ne semble pas très prudent de dépenser pour des choses qui vous donneront une bouffée d'énergie à court terme alors que de gros défis se profilent à l'horizon, en raison du résultat des élections américaines», a fait valoir Randall Bartlett, directeur principal de l'économie canadienne chez Desjardins.
Un «problème de crédibilité»
Tyler Meredith, ancien responsable de la stratégie économique et de la planification pour Mme Freeland, a déclaré que le fait de ne pas atteindre les objectifs budgétaires n'est pas un problème si les finances du Canada sont comparées à celles de pays pairs. Toutefois, il a admis que cela alimentait un problème de crédibilité pour le gouvernement.
«Lorsqu'on établit certaines attentes et qu'on n'est pas en mesure de les satisfaire, même si c'est pour des circonstances atténuantes, cela crée un problème de crédibilité à long terme», a-t-il expliqué.
Quand on l'a interrogé sur l'apparente volonté du gouvernement de s'éloigner de sa promesse, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré qu'il était «un partisan des garde-fous budgétaires».
«Voyons la mise à jour budgétaire dans son intégralité, et nous en ferons l'évaluation», a-t-il statué.
William Robson, président et chef de la direction du C.D. Howe Institute, a déclaré que le ratio dette/PIB n'est pas un «objectif sérieux».
«S'ils étaient sérieux, ils auraient une piste pour montrer comment ils vont équilibrer le budget», a affirmé M. Robson.
Le gouvernement a déjà dévoilé certaines mesures qui, selon lui, figureront dans l'énoncé économique de l'automne.
Mme Freeland a annoncé vendredi que le gouvernement supprimerait le plafond qui empêche actuellement les fonds de pension canadiens de détenir plus de 30 % des actions avec droit de vote d'une entité canadienne.
Ottawa introduit d'autres mesures telles que le lancement d'un quatrième cycle de l'Initiative de catalyse du capital de risque, avec un financement d'un milliard de dollars disponible en 2025-2026. Il a déclaré que cette série comprendrait des conditions plus attrayantes pour les fonds de pension et d'autres investisseurs institutionnels.
Le gouvernement fédéral fournit également jusqu'à un milliard de dollars au total pour investir dans des entreprises de croissance à moyenne capitalisation et débloque jusqu'à 45 milliards $ en prêts et investissements en actions pour certains projets de centres de données d'intelligence artificielle.
En ce qui concerne le logement, l'énoncé économique de l'automne devrait proposer de doubler la limite de prêt pour les propriétaires qui souhaitent ajouter une suite secondaire à leur maison, de 40 000 $ à 80 000 $.
Le programme, qui sera lancé le 15 janvier, offrira des conditions de prêt de 15 ans à un taux d'intérêt de 2 %.
Nojoud Al Mallees, La Presse Canadienne