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Les victimes des prêtres du diocèse Saint-Jérôme - Mont-Laurier demandent réparation

durée 16h43
31 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Le dossier des agressions sexuelles commises sur des enfants par des prêtres et employés du diocèse fusionné Saint-Jérôme - Mont-Laurier ne cesse de prendre de l’ampleur.

Au départ, la demande d’action collective avait été déposée en novembre 2023 au nom de Paul Dancause et ses deux frères contre le prêtre Maurice Valois et d’une deuxième victime, un homme identifié sous les initiales M.D. agressé de l’âge de 12 à 14 ans par le prêtre Gérard Lambert.

La demande d'action collective a été accueillie en septembre 2024. Le document de la procédure déposé plus tôt cette semaine fait maintenant état de 24 victimes, parmi lesquelles environ une douzaine, autant des garçons que des filles, exposent en détails bouleversants les méfaits qu’ils ont subis alors qu’ils étaient pré-adolescents et adolescents.

Élargissement du dossier

L’action collective vise en tout sept religieux et deux employés laïcs, soit, outre les prêtres Valois et Lambert, l’abbé Jean-Albert Potvin, l’abbé Clarence Léveillé, le prêtre Édouard Léonard, le prêtre Jean-Paul Poulin, l’abbé Gilbert Ndayiragije, et les employés «Monsieur Dalpé» – dont la victime ne connaissait pas le prénom – et Roger Lapierre.

Tous ces suspects sauf un sont aujourd’hui décédés, selon le cabinet Arsenault, Dufresne, Wee avocats, qui pilote le dossier. Le seul survivant, l’abbé Gilbert Ndayiragije, œuvre toujours au diocèse, dans les paroisses Sainte-Marguerite et Notre-Dame-de-la-Garde, selon ce que l’on peut lire sur le site web du diocèse.

Ce sont toutefois les instances – aussi ciblées par la demande d’action collective – qui devront répondre de ces actes, en l’occurrence les deux diocèses de Saint-Jérôme et de Mont-Laurier, fusionnés depuis 2022, et l’Évêque de ce nouveau diocèse non pas en tant qu’individu, mais bien en tant, ironiquement, que «personne morale», le terme employé pour désigner l’entité juridique que représente l’évêché.

Coupables devant la justice

Les deux premiers prêtres qui avaient originalement été visés ont tous deux été traduits en justice. Maurice Valois avait plaidé coupable en 1991 à des accusations d’attentat à la pudeur et de grossière indécence, tel que le formulait à l’époque le Code criminel. Gérard Lambert, lui, avait plaidé coupable en 1994 à de multiples accusations d’agression sexuelle, d’attentat à la pudeur et de grossière indécence, mais était décédé avant de connaître sa sentence.

Dans presque tous les cas, les évêques impliqués à l’époque avaient cherché à étouffer ces affaires lorsqu’elles étaient portées à leur attention et, la plupart du temps, s’étaient contentés d’assigner les religieux concernés dans une autre paroisse.

Les autorités ecclésiastiques savaient

Le cas de Paul Dancause et de ses deux frères, aussi agressés par Maurice Valois dans les années 1960, ne laisse aucun doute sur la connaissance des faits par les autorités ecclésiastiques. Une lettre rédigée par un travailleur social qui avait reçu le témoignage des trois frères alors qu’ils étaient en foyer d’accueil, avait été remise à l’évêque de l’époque, Émilien Frenette (décédé en 1983), qui avait étouffé l’affaire et déplacé le prêtre dans une autre région. Cette lettre du travailleur social avait été saisie par les policiers dans le cadre de l’enquête qui avait mené aux accusations portées contre le prêtre Valois.

L’un des trois frères, Christian-Claude Dancause, avait écrit un livre intitulé «Les voleurs d’enfance» à l’issue du procès.

Affaire étouffée par l'évêque

Au moment du dépôt de la demande, Paul Dancause avait témoigné par voie de communiqué à l’effet que ses trois enfants et son épouse avaient souffert de ses comportements et que le troisième membre de la fratrie s’était enlevé la vie. «À l’époque, nous n’étions que des enfants, mais nous avons réussi à dénoncer les agressions. Pourtant, aucune suite n’a été donnée à notre dénonciation. J’en ai parlé avec l’évêque de Saint-Jérôme qui m’a alors demandé de garder le silence. Il m’a même blâmé pour les gestes d’agressions sexuelles que j’avais subis par un membre de son diocèse», écrivait-il.

Bien que la demande comporte maintenant 24 noms, les avocats s’attendent à ce que d’autres victimes ayant été agressées entre 1940 et 2022 se manifestent. La demande introductive d’instance vise des dommages et intérêts pécuniaires et punitifs atteignant 600 000 $ pour chacune des victimes éventuelles.

Blâme sévère envers l'Église

Elle est sans complaisance envers les autorités cléricales: «Bien que les Défendeurs savaient que des agressions sexuelles avaient été commises sur le territoire du Diocèse de SJML (NDLR: Saint-Jérôme - Mont-Laurier) par leurs préposés, ceux-ci ont omis d’enquêter et de sévir à l’encontre des personnes fautives alors qu’ils avaient l’obligation de le faire selon le droit canonique. Les Défendeurs ont plutôt choisi d’ignorer leur propre droit interne pour faire prévaloir la culture du silence.»

«En plus des graves manquements quant à leurs propres obligations d’agir, les Défendeurs ont fait défaut de prendre les mesures qui s’imposent afin que les agresseurs connus et identifiés soient dénoncés aux autorités laïques.»

Le document poursuit: «En choisissant de déplacer leurs préposés fautifs de manière à ce qu’ils préservent leurs fonctions, les Défendeurs ont participé à construire et à favoriser une culture du secret entourant la commission des actes répréhensibles et ont commis, de ce fait, une faute civile directe qui les rend également responsables des préjudices subis par les membres du Groupe.»

«De plus, le récit relaté des différents abus sexuels perpétrés sur le territoire du Diocèse de SJML par les préposés des Défendeurs illustre qu’il ne s’agit pas de gestes isolés, mais plutôt de gestes répétés, commis par plusieurs préposés des Défendeurs à l’égard d’un nombre important de fidèles, lesquels étaient en grande majorité mineurs au moment des faits, et ce, sur une période non négligeable d’au moins soixante (60) ans», peut-on lire dans cette demande.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne