Les tatouages augmenteraient le risque de certains cancers


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Les tatouages augmenteraient le risque de souffrir de certains cancers, conclut une étude récemment publiée par des chercheurs danois et finlandais.
«Au cours des dernières années, on a eu au moins quatre ou cinq études de bonne qualité qui ont montré une association épidémiologique entre les tatouages et le cancer», a rappelé la docteure Elena Netchiporouk, de la division de dermatologie du Centre universitaire de santé McGill.
Les auteurs de la plus récente analyse ont réalisé une étude de cohorte de 2367 jumeaux sélectionnés au hasard et une étude cas-témoins de 316 jumeaux nés entre 1960 et 1996. Les diagnostics de cancer ont été extraits du registre danois du cancer et l'exposition à l'encre de tatouage de l'enquête danoise sur les tatouages des jumeaux de 2021.
Les membres de l'étude de cohorte qui arboraient un tatouage plus grand que la paume de la main multipliaient par 2,4 leur risque de cancer de la peau et par 2,7 leur risque de lymphome.
Lors de l'étude de cas-témoins, le risque de cancer de la peau a pratiquement été quadruplé et le risque de carcinome basocellulaire presque triplé.
L'interaction entre l'encre de tatouage et les cellules voisines pourrait donc avoir des «conséquences graves», préviennent les auteurs de l'étude.
Les tatouages plus grands peuvent avoir un effet plus important, soit en raison d'une dose d'exposition plus élevée, soit en raison d'une durée d'exposition plus longue pour les tatouages acquis au fil du temps, ajoutent-ils.
Il faut toutefois garder en tête qu'on parle, dans tous les cas, d'une augmentation du risque de base, et que ce risque est aussi influencé à un niveau personnel par des facteurs comme le tabagisme ou l'exposition au soleil, a souligné la docteure Netchiporouk.
«C'est difficile d'incorporer ces données sur une base individuelle, parce que le risque individuel est tellement variable, a-t-elle dit. Et quand on met tous les facteurs de risque ensemble, notre système immunitaire finira par ne plus être capable de se défendre et le cancer va se manifester.»
Mais en général, l'incidence de cancer de la peau ne cesse d'augmenter depuis quelques années, a rappelé la docteure Netchiporouk, sous l'influence de facteurs comme une exposition environnementale, la pollution de l'air et les changements climatiques, «et ça, ça ajoute un risque de plus».
Jusqu'aux deux tiers du volume de l'encre de tatouage est composé de pigments organiques ou inorganiques, a-t-elle rappelé. La couleur noire, par exemple, contient du benzène, un carcinogène très fort dont l'association avec différents cancers humains est bien établie, a dit la docteure Netchiporouk.
Ces composés inorganiques sont habituellement faits de métaux et de sels, et même si on essaie d'utiliser des métaux moins dangereux comme le nickel, on constatera souvent la présence de métaux lourds comme le cadmium et le plomb, a-t-elle ajouté.
Quant aux couleurs comme le rouge, le jaune ou l'orange, elles proviennent de pigments organiques qui sont rapidement dégradés en hydrocarbures sous l'effet des rayons UV.
«Les pigments organiques peuvent être décomposés en hydrocarbures, et les hydrocarbures sont de la même famille que le benzène, et ça, ce n'est jamais bon pour la santé», a détaillé la docteure Netchiporouk.
Des études humaines et animales ont déjà démontré que l'encre du tatouage ne reste pas dans la peau et migre plutôt vers les ganglions lymphatiques, a-t-elle poursuivi, menant à une absorption systémique.
D'un point de vue biologique, il est logique de penser que l'effet combiné des rayons UV et des hydrocarbures qu'on retrouve dans les pigments viendra augmenter le risque de cancer, a dit la docteure Netchiporouk.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical BMC Public Health.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne