Les infirmières, sage-femmes et doulas peuvent aider pour la santé mentale des mères
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Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — Une nouvelle étude révèle que les infirmières, les sages-femmes et les doulas peuvent traiter les symptômes de dépression et d'anxiété ressentis pendant la grossesse et après l'accouchement.
L'essai clinique, publié lundi dans la revue Nature Medicine, suggère que la formation de non-spécialistes de la santé mentale à la thérapie comportementale à court terme peut rendre le traitement accessible aux personnes qui n'ont pas de psychologue ou de psychiatre.
L'autrice principale, Daisy Singla, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, affirme que les symptômes de dépression et d'anxiété touchent une femme sur cinq qui est enceinte ou qui a accouché au Canada et aux États-Unis.
Les chercheurs ont assigné au hasard 1230 participantes à huit séances de thérapie d'activation comportementale dispensées soit par un spécialiste de la santé mentale, soit par un non-spécialiste de la santé mentale ayant reçu une formation sur le traitement.
Les participantes ont également été assignées au hasard à recevoir la thérapie – dans laquelle le prestataire aide les patientes à recentrer les pensées et les comportements négatifs sur des actions positives – soit en personne, soit virtuellement.
L'étude a révélé qu'après trois mois, les participantes qui ont reçu leur traitement auprès d'infirmières, de sages-femmes et de doulas formées ont connu la même amélioration de leur santé mentale que celles qui ont été traitées par un psychologue ou un psychiatre – et que les soins en personne et par télémédecine ont fonctionné aussi bien.
Mme Singla, qui est également psychologue-scientifique à l'hôpital Mount Sinai de Toronto, a déclaré que la thérapie par la parole à court terme, y compris l'activation comportementale, est reconnue comme un traitement efficace pour les symptômes d'anxiété et de dépression périnatals.
Mais elle est «largement inaccessible» au Canada et aux États-Unis en raison de facteurs tels que le manque de disponibilité des psychiatres et des psychologues ou les frais à la charge des patients, a-t-elle indiqué. Élargir la gamme de prestataires de soins de santé qui peuvent offrir la thérapie peut aider à surmonter ces obstacles.
«(Cette étude) offre de l’espoir à tant de personnes qui souhaitent avoir accès à des thérapies par la parole efficaces ou à une psychothérapie efficace, mais qui n’y parviennent pas», a-t-elle soutenu lors d’une entrevue, soulignant que les infirmières, les sages-femmes et les doulas ont été sélectionnées en fonction de leurs compétences interpersonnelles et ont reçu plus de 20 heures de formation.
Démontrer que la thérapie est aussi efficace en ligne qu’en personne élimine les barrières géographiques et logistiques pour les nouvelles mamans occupées, a affirmé Mme Singla.
«Il est difficile d’organiser des choses comme la garde des enfants (et) le transport», a-t-elle dit, ajoutant que planifier des rendez-vous en personne en tant que nouveau parent «peut être très difficile».
L'essai clinique transfrontalier, appelé SUMMIT (Scaling Up Maternal Mental health care by Increasing access to Treatment), a recruté des participantes de janvier 2020 à octobre 2023 à l'hôpital Mount Sinai, au Women's College Hospital et à l'hôpital St. Michael de Toronto, ainsi qu'à l'Université de Caroline du Nord et à Endeavor Health aux États-Unis.
Changer sa façon de penser
Andrea Fagundez, une Torontoise de 38 ans, s'est inscrite à l'essai deux mois après avoir accouché à l'hôpital St. Michael en mars 2022.
Pendant sa grossesse, elle a lutté contre l'anxiété quant à savoir si elle serait une bonne mère. Après la naissance de sa fille Maia, elle a commencé à présenter des symptômes de dépression, aggravés par des difficultés d'allaitement.
«Je pleurais beaucoup, a confié Mme Fagundez en entrevue. C'était principalement un sentiment accablant de tristesse qui rivalisait avec la joie d'avoir un bébé.»
Elle a été assignée au hasard à suivre une thérapie d'activation comportementale en ligne avec un psychiatre. Cela lui a donné de «vrais outils» pour gérer sa dépression post-partum, a-t-elle dit, notamment en l’aidant à recadrer sa façon de penser à l’utilisation d’un tire-lait, après avoir été incapable de faire prendre le sein à Maia.
Mme Fagundez avait l’impression que le temps qu’elle passait à tirer le lait était du temps perdu loin de son bébé. Mais après trois séances, elle se souvient avoir pris un tournant.
«J’ai commencé à dire: "Oh, je produis du lait et je vois que c’est une chose positive." (…) J’ai senti que c’était plutôt une bénédiction, quelque chose que je pouvais donner à ma fille.»
Un autre exercice thérapeutique a abordé le sentiment d’isolement de Mme Fagundez par rapport aux autres.
«Je me souviens clairement qu’il y avait trois ou quatre cercles autour de soi, comme si vous deviez les dessiner. Et puis vous devez mettre dans ces cercles les noms des personnes que vous connaissez et que vous pouvez appeler pour obtenir de l’aide ou du soutien», a-t-elle relaté.
«Les outils, je les garde à ce jour. C'est juste une façon de penser et cela vous aide à voir le verre plein plutôt que vide», a-t-elle ajouté.
Bien qu'un psychiatre lui ait été assigné pendant l'étude, Mme Fagundez pense qu'elle aurait tout autant été aidée si elle avait été jumelée à une infirmière, une sage-femme ou une doula qualifiée pour sa thérapie.
«Avoir l'accès est essentiel, peu importe qui le dispense, car cette (thérapie) est quelque chose de très bien structuré», a-t-elle souligné.
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Nicole Ireland, La Presse Canadienne