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Les femmes qui se lancent en politique ne seraient pas désavantagées, selon une étude

durée 10h00
30 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Au moment du déclenchement des élections fédérales, les femmes comptaient pour seulement 30,9 % de la députation à la Chambre des communes.

Cette sous-représentation n’est toutefois pas uniquement attribuable aux préjugés de la population, selon les recherches menées par André Blais et Semra Sevi, professeurs au Département de science politique de l’Université de Montréal et de l’Université de Toronto, respectivement.

«Il n’y a plus de biais maintenant contre les femmes», affirme M. Blais en entrevue.

Sa collègue offre un portrait plus nuancé de la situation.

«Bien que des progrès significatifs aient été réalisés et que les femmes ne reçoivent plus moins de voix que les hommes lors des élections fédérales canadiennes, des biais contre les femmes en politique persistent encore. De nombreuses barrières – subtiles ou manifestes – demeurent, notamment les stéréotypes de genre, les attentes sociales et les inégalités structurelles. Cependant, le nombre croissant de femmes entrant en politique et occupant des rôles de leadership montre que les biais diminuent progressivement», soutient Mme Sevi.

Des «obstacles structurels et culturels» sont les principales causes de leur proportion démesurément faible, ont conclu les deux chercheurs en analysant plus de 21 000 candidatures depuis 1921, l’année où les femmes ont fait leur première apparition sur les bulletins de vote au niveau fédéral, trois ans après avoir obtenu le droit de vote.

À l’époque, elles recevaient en moyenne 2,5 % moins de suffrages que les hommes.

Les temps ont bien changé depuis l’arrivée de la première femme au Parlement à Ottawa, l’Ontarienne Agnes Macphail, en 1921. Cent ans plus tard, l’écart n’est plus que de 0,5 %, ce que les auteurs de l’étude publiée dans la «Revue canadienne de science politique» qualifient de «différence statistiquement non significative».

«La tendance a été pas mal linéaire. C'est un processus très lent, mais de longue durée», précise M. Blais.

Son interprétation est que l’évolution des mentalités est à l’origine de cette progression. «Je pense que ça reflète d'abord et avant tout le changement de valeurs. L'image qu'on a des femmes a changé.»

Malgré cette notable avancée, certaines idées préconçues restent d’actualité.

«Les mécanismes de recrutement constituent un facteur important. Traditionnellement, la politique est un domaine d'hommes. Quand on fait du recrutement, les gens recrutent des personnes qu’ils connaissent déjà. Il y a certainement ce facteur-là qui joue», avance M. Blais.

«Il y a aussi un écart dans l’intérêt pour la politique. Le taux de participation est un peu plus élevé chez les femmes, mais leur intérêt pour la politique est moins grand. Il y a toujours un écart assez important entre les hommes et les femmes», ajoute-t-il.

Il a également identifié comme raison «la division des tâches dans les ménages». «Quand les gens ont de jeunes enfants, les femmes sont encore plus hésitantes à se lancer en politique», indique le politologue, soulignant que «l’enjeu est d'augmenter le nombre de candidatures».

Mme Sevi croit elle aussi que «l’une des raisons majeures est la difficulté de concilier la vie politique avec les responsabilités personnelles et familiales, ce qui affecte de manière disproportionnée les femmes».

Elle mentionne notamment que «les attentes genrées liées aux soins et au rôle de mère, associées à l'absence de politiques favorisant l'équilibre travail-vie personnelle, découragent souvent les femmes de se lancer en politique».

Même si les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire le saut en politique, la proportion d’élues n’atteint même pas un tiers au pays aujourd’hui.

Parmi les explications à prendre en considération, M. Blais a identifié leur penchant pour la gauche.

«Il y a moins de femmes qui sont élues parce qu'elles se présentent davantage pour des partis moins établis et plus à gauche. Traditionnellement, il y en a plus chez les Verts et le NPD. Il y a toujours quand même un écart, mais il est beaucoup plus petit qu'avant.»

Au-delà du sexe, il est possible que l'appartenance à un parti politique joue un rôle plus important dans le comportement des électeurs, selon Mme Sevi.

«Les électeurs peuvent avoir des préjugés envers les femmes, mais voter malgré tout pour des candidats en fonction de leur affiliation politique, indépendamment du sexe.»

Des «qualités féminines» particulièrement appréciées

Par ailleurs, une autre étude à laquelle ont participé M. Blais et Mme Sevi, dont les résultats ont été dévoilés dans la revue «Acta Politica» en 2024, a porté sur les qualités mises de l’avant par des candidats masculins et féminins et leur incidence sur le choix des électeurs.

Les deux chercheurs ont retenu 29 traits de personnalité, certains jugés «féminins», comme la compassion et la loyauté, et d’autres qualifiés de «masculins», comme la force et la détermination, et les ont soumis à 47 groupes de 10 participantes et participants américains.

«Les qualités que l’on juge généralement, de façon stéréotypée, les plus féminines ont été plus choisies que les qualités masculines. Afficher des qualités dites féminines ne semble donc pas du tout être un handicap. C’est peut-être même un léger avantage», note M. Blais.

Malgré cette évolution, le Canada est loin d’être un leader international en matière de parité. Il figure au 69e rang du palmarès de l’Union interparlementaire parmi les 190 Parlements nationaux du monde.

Sébastien Auger, La Presse Canadienne