Les changements climatiques pourraient augmenter le risque de maladies zoonotiques
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le réchauffement climatique pourrait augmenter le risque de transmission d'infections des animaux aux humains, particulièrement dans l'Arctique, prévient une nouvelle étude.
Il importe donc que les médecins apprennent à en reconnaître les symptômes afin d'assurer une prise en charge optimale des patients, ajoutent les auteurs.
«Il s'agit d'une combinaison de maladies qui ne font pas l'objet d'une grande attention au départ, dans une région qui ne fait pas l'objet d'une grande attention, a expliqué en entrevue l'un des auteurs de l'étude, le docteur Justin Penner, un spécialiste des maladies infectieuses du Centre hospitalier pour enfants de l'est de l'Ontario qui pratique aussi à l'hôpital général Qikiqtani d'Iqaluit, au Nunavut.
«C'est la raison pour laquelle nous voulions que les cliniciens, en particulier ceux qui travaillent dans ce type d'environnement, s'intéressent de près à cette question.»
Les facteurs de risque d'infections zoonotiques dans l'Arctique comprennent les aliments traditionnels ― gibier, poissons et mammifères marins ― qui font partie de l'alimentation saine et traditionnelle de nombreuses communautés arctiques, préviennent les auteurs.
La chasse, la récolte d'animaux et la préparation de peaux d'animaux, ainsi que la possession de chiens de traîneau, sont également des facteurs de risque pour les maladies transmises par les animaux, ajoutent-ils.
On ne devrait toutefois pas craindre une nouvelle pandémie, a assuré le docteur Penner, même si la crise sanitaire de COVID-19 a possiblement éclaté quand un virus est passé des animaux aux humains.
«Je ne pense pas qu'il soit probable que ça (une infection zoonotique) se propage comme la COVID, mais ça pourrait certainement passer inaperçu, a dit le docteur Penner. Le problème n'est pas seulement qu'elles sont sous-détectées, mais aussi sous-déclarées, donc on ne connaît pas vraiment leur incidence parce que plusieurs cliniciens ne les connaissent pas.»
Cela étant dit, poursuit-il, on ne peut nier que les interactions entre humains et animaux dans les marchés où sont vendus des animaux vivants augmentent le risque de transmission des maladies, nouvelles ou anciennes, ou d'émergence de nouveaux variants.
Le changement climatique dans l'Arctique affecte l'écosystème local, préviennent les auteurs. Le comportement des animaux change, y compris les schémas de migration, en grande partie à cause de la diminution de la glace de mer, qui limite la chasse. Ces facteurs peuvent affecter les cycles de vie des parasites, peut-on lire dans le Journal de l'Association médicale canadienne.
«L'environnement change et ça inclut l'environnement dans le Nord, et probablement que ça change plus rapidement que d'autres régions de l'Arctique, a dit le docteur Penner. Ça perturbe beaucoup l'écosystème et ça a un impact sur la propagation des maladies.»
La fonte du pergélisol a un impact sur la transformation des aliments, rendant moins fiables des pratiques telles que la fermentation et le stockage dans des caves à glace, ajoutent les auteurs.
Les températures plus chaudes favorisent également la propagation des insectes vecteurs à des latitudes plus élevées, ce qui affectera davantage les écosystèmes arctiques et provoquera l'émergence d'autres infections dans la région où les populations sont vulnérables, écrivent les chercheurs.
Les infections zoonotiques de l'Arctique ont généralement une épidémiologie et des modes de transmission spécifiques qui permettent d'éclairer les évaluations cliniques, rappellent les auteurs. Lors de l'évaluation des patients, il est fondamental d'identifier les expositions pertinentes associées aux maladies zoonotiques dans les antécédents cliniques.
«Dans notre document on parle du concept de 'One Health', et je pense que c'est très important, a dit le docteur Penner. Les humains et les animaux ont des interactions de plus en plus étroites, et ça provoquera ou ça facilitera certainement la transmission des maladies.»
Les cliniciens qui travaillent dans l'Arctique doivent apprécier les cultures indigènes des communautés qu'ils servent et s'informer à leur sujet, afin d'identifier les risques d'exposition uniques que l'on ne trouve pas ailleurs au Canada et de mieux informer les soins cliniques, concluent les auteurs de l'étude.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne