Le thème de la criminalité s'impose à deux semaines de la date du scrutin


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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Le thème de la justice a marqué la 23e journée de la campagne électorale fédérale. À deux semaines de la date du scrutin, bloquistes et conservateurs ont chacun mis sur la table des propositions visant à être plus sévère à l'égard des criminels.
Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, propose de ramener une loi permettant aux tribunaux d’imposer des peines de prison à vie consécutives dans les cas de meurtres multiples, malgré son invalidation par le plus haut tribunal du pays.
Pour contourner cette décision et rétablir la «Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples», qui permettait de cumuler les périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle, M. Poilievre entend utiliser la disposition de dérogation de la Charte des droits et libertés.
La loi, qui avait été adoptée en 2011 sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, a été invalidée par la Cour suprême du Canada en 2022 dans la foulée de l'imposition de la peine d'Alexandre Bissonnette, auteur de la tuerie à la Grande Mosquée de Québec.
De passage à Montréal, lundi, M. Poilievre a assuré qu’il «va respecter les décisions de la Cour suprême tout en protégeant la sécurité des Canadiens», soutenant tout de même qu'il allait utiliser cette disposition, aussi connue sous le nom de clause nonobstant.
Le dirigeant conservateur a dit «renforcer la Charte des droits et libertés en utilisant la clause 33 (de dérogation) pour garder des criminels violents et dangereux en prison et protéger la sécurité et la vie des gens respectueux des lois».
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a également proposé le recours à la disposition de dérogation pour une promesse en matière de justice. Mais il espère ne pas en arriver là.
À Québec, M. Blanchet a annoncé vouloir empêcher l'abandon de procès en vertu de l'arrêt Jordan pour des crimes graves. En ce sens, le bloquiste suggère lui aussi de faire revivre un projet de loi que son parti avait déposé en 2024 et qui comprenait l'utilisation de la clause dérogatoire.
Cette pièce législative visait à modifier le Code criminel, afin que l'arrêt Jordan (décision établissant un plafond maximal de délai judiciaire) ne puisse être invoqué dans les cas de crimes graves.
Du même souffle, M. Blanchet se montre critique quant au recours à la clause dérogatoire; il dénonce l'usage que souhaite en faire son adversaire conservateur pour imposer des peines plus lourdes et rappelle que cette disposition a été conçue pour les provinces à l'origine, et non pour le fédéral.
Le bloquiste aimerait ainsi que le fédéral nomme davantage de juges pour entraîner moins de retard dans le traitement des causes et donc moins d'arrêts des procédures où on invoque Jordan, plutôt que de devoir soumettre son projet de loi.
Approvisionnement militaire et santé
Sur un tout autre sujet, le chef du Parti libéral du Canada (PLC), Mark Carney, y est allé d'engagements en matière de défense nationale
En campagne à Dorval, sur l'île de Montréal, M. Carney a promis de créer une nouvelle agence fédérale qui sera consacrée exclusivement aux acquisitions militaires.
L'Agence d’approvisionnement de la Défense proposée par les libéraux viserait à «centraliser l’expertise de tout le gouvernement et simplifier notre méthode d’achat de l’équipement pour les forces armées».
Le PLC veut aussi prioriser l'achat canadien, notamment avec des matériaux comme l’acier, l’aluminium et les minéraux critiques. M. Carney propose également d'élargir la flotte de drones aériens du Canada et de sous-marins pour effectuer une surveillance constante contre les menaces dans l’Arctique et à la frontière.
M. Carney a rappelé qu'avec l'administration Trump, à Washington, qui menace l'économie canadienne et sa souveraineté, il est plus important que jamais de réinvestir et de réarmer les Forces armées canadiennes et même de revoir l'approvisionnement en défense et d'intégrer certaines structures.
Du côté de Toronto, le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a présenté un plan pour remédier au manque d'infirmières et d'infirmiers dans le réseau de la santé.
M. Singh a dévoilé une Stratégie pour la main-d’œuvre en santé, qui repose d'abord sur la promesse d'engager 35 000 infirmières et infirmiers d'ici 2030.
Le NPD explique vouloir recruter du personnel infirmier, notamment des États-Unis, pour faire respecter le nombre de patients maximum par infirmières, accélérer la reconnaissance des compétences des infirmières formées à l'étranger, lier les transferts fédéraux à l'embauche et au maintien en poste du personnel soignant ou encore réinvestir des sommes versées aux agences privées dans les équipes publiques.
La formation politique en a aussi profité pour attaquer ses rivaux, reprochant au chef libéral de prévoir faire des coupes de l'ordre de 43 milliards $ dans le système de santé et accusant le chef conservateur de vouloir «éviscérer le système».
— Avec des informations de Pierre Saint-Arnaud, de Patrice Bergeron, de Vicky Fragasso-Marquis et d'Helen Moka
Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne