Le fentanyl était une priorité au Canada avant les menaces de Trump, selon la police

EDMONTON — Les enquêteurs canadiens ont commencé à lutter contre le trafic et la production de fentanyl bien avant que le président américain Donald Trump ne menace d'imposer des tarifs douaniers de 25 % si le Canada n'en faisait pas davantage pour empêcher cette drogue de circuler vers le sud, ont déclaré mercredi des responsables de la police dans l'Ouest canadien.

«Ce n'est certainement pas une nouveauté pour nous que le fentanyl est une priorité. Partout au pays, nous démantelons (des laboratoires) et accusons davantage de personnes parce qu'il y a un effort concerté», a affirmé le surintendant Marc Cochlin, PDG des équipes d'intervention des forces de l'ordre de l'Alberta, dont les membres sont issus de diverses organisations d'application de la loi.

M. Trump a accepté lundi de reporter les tarifs contre le Mexique et le Canada au moins jusqu'au 4 mars. Le premier ministre Justin Trudeau lui a présenté le plan du Canada pour sécuriser la frontière et lutter contre la production et le trafic de fentanyl, y compris l'engagement d'identifier les cartels mexicains comme entités terroristes, d'envoyer plus de personnel pour patrouiller la frontière et d'embaucher un «tsar du fentanyl».

M. Cochlin a déclaré que l'accord est le bienvenu, mais que les enquêteurs travaillent fort pour lutter contre la production et le trafic de fentanyl depuis que les frontières internationales ont été fermées au plus fort de la pandémie de COVID-19 et que la production nationale de drogue a augmenté en taille et en sophistication.

Il a dit que les chiffres prouvent ses propos. Les agents des douanes américaines ont saisi 19,5 kilogrammes de fentanyl à la frontière canadienne au cours du dernier exercice financier, contre 9570 kilogrammes à la frontière mexicaine.

«Les laboratoires qui ont été démantelés sur notre territoire pourraient approvisionner la province et les provinces voisines. Nous suivons toutes les pistes et tous les renseignements, mais rien ne permet de penser que ces produits sont passés au sud de la frontière», a déclaré M. Cochlin.

Il a souligné que certains des plus grands laboratoires à avoir été démantelés ces dernières années se trouvaient dans l'Ouest canadien.

En octobre dernier, avant que Donald Trump ne se plaigne pour la première fois de l'entrée aux États-Unis de fentanyl en provenance du Canada, la GRC en Colombie-Britannique a découvert que des chimistes du marché noir mélangeaient des précurseurs, dont certains importés de Chine et fabriqués de toutes pièces, dans un laboratoire situé au milieu d'une forêt à Falkland, en Colombie-Britannique.

Des produits difficiles à réglementer

Le caporal Arash Seyed, de l'unité de police fédérale de la GRC dans la région du Pacifique, a indiqué que ce laboratoire est le plus grand découvert au Canada.

«Certains des précurseurs produits étaient en fait connus pour être des marques déposées de cartels de drogue mexicains, ce qui était également une nouveauté pour nous. C'était assez grand et sophistiqué. Ils fonctionnent comme des entreprises commerciales. »

À son avis, la quantité produite est trop importante pour les consommateurs locaux.

«Nous ne savons pas exactement à quelles demandes ces groupes criminels répondent», a-t-il déclaré.

Le caporal Seyed a affirmé que les enquêteurs ont des preuves qu'une partie des drogues devait être exportée vers des marchés internationaux, comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande, et non vers les États-Unis.

Dans une autre affaire à la fin du mois dernier, le Service des poursuites pénales du Canada a annoncé qu'un important acteur du fentanyl en Alberta avait été condamné à 16 ans de prison après que ses activités ont été saisies en 2021.

Dans sa décision, le juge Nathan Whitling de la Cour du Banc du Roi a déclaré que l'ampleur de l'opération était «stupéfiante».

MM. Cochlin et Seyed souhaitent que le Canada réglemente les produits chimiques que les producteurs illicites utilisent comme précurseurs du fentanyl.

Ils ont déclaré qu'une grande partie des ingrédients que les enquêteurs canadiens ont découverts étaient produits en Chine et connus pour être utilisés par les sociétés pharmaceutiques et les industries médicales pour fabriquer des analgésiques légaux.

Mais les criminels les font de plus en plus importer au Canada par des voies illégales. Au Mexique, les produits chimiques sont achetés par les cartels de Sinaloa et de Jalisco pour la fabrication de drogues illicites. Les produits fabriqués par les cartels sont inodores, ce qui rend leur détection et leur saisie extrêmement difficiles.

«Il est très difficile de réglementer ces produits. C'est quelque chose qui est en dehors de notre domaine», a fait savoir M. Seyed.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a annoncé mercredi que la peine pour le trafic de fentanyl serait la même que celle pour les meurtres s'il devenait premier ministre. Il a promis d'imposer des peines d'emprisonnement à perpétuité obligatoires aux personnes reconnues coupables de trafic, de production et de distribution de plus de 40 milligrammes de fentanyl.

Fakiha Baig, La Presse Canadienne