Le DDT pulvérisé au N.-B. persiste chez les truites à des niveaux «alarmants»


Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
FREDERICTON — Plus de 50 ans après sa dernière utilisation au Nouveau-Brunswick, de nouvelles recherches montrent que l'insecticide DDT est toujours présent à des niveaux «alarmants» chez les truites des lacs de la province, ce qui représente un danger potentiel pour les autres espèces sauvages et les humains qui se nourrissent de ces poissons.
Josh Kurek, professeur agrégé au département de géographie et d'environnement de l'Université Mount Allison, a déclaré mardi en entrevue que du DDT avait été pulvérisé sur plus de la moitié des forêts de la province entre 1952 et 1968.
«Le Nouveau-Brunswick a sans doute mené l'un des plus importants programmes de pulvérisation aérienne de DDT jamais entrepris sur la planète», a pointé M. Kurek, auteur principal d'une étude publiée dans la revue PLOS One cette semaine.
L'insecticide a été utilisé pour lutter contre la tordeuse des bourgeons de l'épinette, qui se nourrit principalement de sapin baumier et d'épinette blanche, et qui est un ravageur naturel présent dans les forêts de la province. Pour cette étude, les chercheurs ont analysé les poissons, les invertébrés et les sédiments de sept lacs, ainsi que les données publiques sur les quantités de DDT épandues.
«Notre étude a révélé la présence de quantités incroyablement élevées de DDT dans les sédiments de nos lacs, mais aussi chez l'omble de fontaine, a révélé le professeur Kurek. Il s'agit d'ombles de fontaine de quelques années seulement et ils sont exposés à ce DDT hérité principalement par leur alimentation.»
L'omble de fontaine se nourrit principalement de petits insectes aquatiques, bien que son régime alimentaire se compose d'une variété de proies, a-t-il précisé. Ces insectes vivent dans la vase du fond des lacs, des rivières et des zones humides, dont le sable contient de grandes quantités de DDT, a-t-il précisé.
«Nous avons montré que les concentrations d'omble de fontaine dans cinq lacs étudiés dans cette région du monde sont environ dix fois supérieures aux niveaux que le Conseil canadien des ministres de l'Environnement considère comme des niveaux de DDT sans danger pour la faune», a-t-il ajouté.
«On dit souvent: "On est ce que l'on mange". Si d'importantes quantités de DDT se trouvent dans la boue au fond des lacs du Nouveau-Brunswick, tout organisme se nourrissant d'invertébrés, de petits poissons ou de grenouilles vivant dans ces lacs est probablement exposé à des quantités extrêmement élevées, sans doute parmi les plus élevées en Amérique du Nord.»
Un document de 2010 du ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada indiquait que le DDT agit comme un neurotoxique pour tuer les insectes, mais que son effet exact sur le système nerveux est mal compris.
«La nouvelle contamination au DDT résulte du transport atmosphérique à longue distance et de l'accumulation de ce produit chimique dans le sol, l'eau et la neige, indiquait le document. Du DDT a été détecté dans l'air, la pluie, la neige, les eaux de surface et le sol, ainsi que dans les tissus des plantes et des animaux.»
L'insecticide, précisait-il, se dégrade beaucoup plus lentement dans les climats froids que dans les climats plus chauds. Le document précisait que le DDT, qui signifie dichlorodiphényltrichloréthane, est toxique pour les poissons et «modérément toxique» pour les humains, affectant principalement le système nerveux et le foie.
Josh Kurek a souligné que l'omble de fontaine est un poisson prisé des pêcheurs du Nouveau-Brunswick, ce qui en fait une source importante de DDT pour les humains. Il a entrepris cette étude parce qu'il s'intéresse à l'impact de la pollution dite «héréditaire» sur la biodiversité et la vie aquatique aujourd'hui, a-t-il ajouté.
Le DDT est considéré comme un polluant organique persistant, ce qui signifie qu'il persiste «très, très longtemps» dans l'environnement, a insisté le professeur. Des études montrent qu'il faut jusqu'à 150 ans pour que le DDT se décompose, a-t-il noté.
«Et c'est vraiment ce que nos recherches démontrent: des décisions prises il y a plus d'un demi-siècle ont encore des répercussions sur les écosystèmes d'aujourd'hui.»
La Presse Canadienne