Le Canada propose d'étiqueter les «produits chimiques éternels» comme toxiques


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Par La Presse Canadienne, 2024
Le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait de l'avant avec un plan visant à étiqueter les produits chimiques dits «éternels» comme étant toxiques et qu'il comptait entamer des consultations dans deux ans sur la réglementation de leur utilisation dans les cosmétiques, les emballages alimentaires et d'autres produits de consommation.
Le gouvernement a publié mercredi son rapport final sur la classification de milliers de produits chimiques connus sous le nom de PFAS, abréviation de substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, ainsi que sa proposition sur la façon de gérer leurs risques.
Les PFAS sont souvent étiquetés «produits chimiques éternels» parce qu'ils ne se décomposent pratiquement jamais. Ils se retrouvent partout, du sol au sang humain, et ont été liés à de graves risques pour la santé.
Le rapport conclut que les PFAS répondent aux critères d'étiquetage comme toxiques en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE).
Le ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, a indiqué lors d'une conférence de presse à Montréal qu'il s'agissait d'une «approche sans précédent» puisque toute la catégorie des PFAS sera réglementée, et pas seulement une substance à la fois.
Le rapport exclut cependant les fluoropolymères tels que le Téflon, car il suggère qu’ils pourraient avoir un profil de risque différent de celui d’autres produits chimiques éternels — une décision critiquée par les groupes environnementaux et saluée par l’industrie chimique.
Les produits chimiques PFAS sont utilisés depuis au moins le milieu du 20e siècle pour leur résistance à la chaleur, à la graisse et à l’eau. On les trouve dans les ustensiles de cuisine antiadhésifs, les meubles antitaches, les vestes imperméables, les mousses anti-incendie, les contenants à emporter, les cosmétiques et bien plus encore.
Ces produits chimiques ont l’une des liaisons les plus fortes de la chimie organique et leur décomposition dans l’environnement prend beaucoup de temps. Des études les ont liés à des problèmes de santé importants, notamment des cancers, des perturbations hormonales, des problèmes du système immunitaire et des maladies du foie.
Les PFAS peuvent être concentrés autour de points chauds, tels que les installations de fabrication, les décharges et toute autre zone où des mousses anti-incendie sont utilisées, y compris les zones d’entraînement des aéroports. Mais en raison de leur persistance, ils peuvent facilement parcourir de longues distances et créer une exposition généralisée de l’écosystème.
Le Canada réglemente déjà certains PFAS, mais les défenseurs affirment que d'autres produits ont pris leur place. Depuis 2021, le gouvernement réfléchit à la manière dont il pourrait traiter l'ensemble de la catégorie des PFAS, plutôt que de devoir les isoler au cas par cas.
L'annonce de mercredi a été accueillie positivement par les groupes environnementaux qui poussent depuis longtemps le gouvernement à sévir contre l'utilisation des PFAS.
Dans un communiqué, Cassie Barker, d'Environmental Defence, l'a qualifiée de «première étape cruciale».
«L'industrie sait depuis des décennies que ces "produits chimiques éternels" nuisent aux personnes et aux communautés, mais au lieu d'éliminer progressivement ces produits chimiques cancérigènes et perturbateurs endocriniens, elle a continué à engranger des profits records au détriment de notre santé», a mentionné Mme Barker, responsable principale du programme des substances toxiques du groupe de défense de l'environnement.
D'autres réglementations à venir
Le gouvernement a souligné qu'il organiserait une période de consultation de 60 jours se terminant début mai avant de passer à l'ordre de désigner les PFAS, à l'exception des fluoropolymères, comme toxiques en vertu de la LCPE.
Le gouvernement passera ensuite à son approche en trois phases pour gérer les risques liés aux PFAS, en commençant par des consultations sur la façon de réglementer leur utilisation dans les mousses anti-incendie. Il a indiqué qu'il viserait à publier ces règlements en 2027.
Après cela, le gouvernement a indiqué qu'il entamerait des consultations sur la façon dont il pourrait réglementer les PFAS dans certains produits de consommation, comme les cosmétiques, les emballages alimentaires, les peintures et les textiles. Il n'a pas précisé quand il prévoit publier ces règlements.
Il n'y a pas de calendrier prévu pour les consultations ou la réglementation de la troisième et dernière phase, qui examinerait le rôle des PFAS dans les produits pour lesquels il n'existe peut-être pas d'alternative réalisable, notamment certains médicaments sur ordonnance, les applications industrielles et les dispositifs médicaux.
L'Association canadienne de l'industrie de la chimie, qui représente le secteur des produits chimiques et des plastiques, a fait savoir qu'elle soutenait la décision du gouvernement d'examiner les fluoropolymères comme distincts des autres.
Dans un communiqué, elle a déclaré que les autres PFAS sont «essentiels pour de nombreux secteurs industriels, des véhicules électriques aux produits pharmaceutiques en passant par les téléphones portables».
L'Union européenne et plusieurs États américains ont déjà pris des mesures pour limiter ou éliminer progressivement l'utilisation des PFAS.
Les produits chimiques sont interdits à la vente dans les vêtements à partir de janvier 2025 en Californie et à New York. L'Europe élimine progressivement tous les PFAS, sauf pour les utilisations essentielles où il n'y a pas d'alternative.
Santé Canada a fixé une limite proposée pour les PFAS dans l'eau potable en août dernier, tandis que l'Agence canadienne d'inspection des aliments a publié une norme provisoire sur la quantité pouvant être incluse dans les engrais.
Jordan Omstead, La Presse Canadienne