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Le Canada exprime sa gratitude à un homme d'affaires haïtien sanctionné

durée 08h23
9 mai 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

Une diplomate canadienne et un officier de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ont fait l'éloge et exprimé leur gratitude à un homme d'affaires haïtien sanctionné qu'Affaires mondiales accuse de liens avec des gangs, après qu'il eut autorisé le transport par hélicoptère de citoyens canadiens et de policiers sur son terrain de golf de luxe le mois dernier, suggèrent des courriels fournis par ses avocats.

Dans des courriels attribués à la consule Catherine Brazeau, on peut la voir dire en français à l'homme d'affaires Reynold Deeb que son aide était «exceptionnelle», le remerciant au nom de toute l'équipe de l'ambassade.

Les courriels indiquent également que M. Deeb, dont les activités, selon Affaires mondiales, protègent et soutiennent les «gangs criminels armés», avait reçu des plans de voyage et des listes de passagers pour des vols en hélicoptère transportant des agents de la Police nationale haïtienne vers et depuis son club de Pétionville, un terrain de golf à Port-au-Prince.

Dans le message d'une personne décrite comme un agent de liaison de la GRC, elle dit qu'elle ne sait pas comment le remercier, ajoutant que tout s'était bien déroulé malgré les difficultés.

Les avocats canadiens de Reynold Deeb, un cadre d'une importante société d'importation haïtienne, affirment que les courriels seront utilisés comme preuve dans une contestation devant la Cour fédérale de l'inclusion d'individu sur la liste des sanctions du Canada. M. Deeb est l'une des 28 personnes sanctionnées en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant Haïti du Canada.

«La raison pour laquelle le gouvernement du Canada demandait simultanément à M. Deeb d'utiliser ses biens et maintenait des sanctions contre lui n'est pas claire», indique sa demande de révision judiciaire.

L'un des avocats de M. Deeb, Geoff Hall, a déclaré que les courriels «assez remarquables» montrent que les responsables canadiens étaient reconnaissants et «complimentaient» leur client pour avoir autorisé l'utilisation de sa propriété, «ce qui est en fait contraire à la loi sur les sanctions imposées aux Canadiens qui utilisent la propriété de ceux qui sont sanctionnés».

Affaires mondiales n’a pas répondu aux questions concernant les courriels dans l'immédiat.

Le porte-parole conservateur en matière d'affaires étrangères, Michael Chong, a déclaré que les sanctions imposées par le premier ministre Justin Trudeau «ne valent pas le papier sur lequel elles sont imprimées lorsqu'il refuse de les respecter», et qu'il n'était «pas surprenant que son gouvernement ait demandé l'aide d'un individu en Haïti sous la sanction canadienne».

Une inclusion «erronée» sur la liste

M. Deeb qualifie d'«erronée» son inscription sur la liste des sanctions du Canada et affirme que ceux qui sont sanctionnés subissent «de graves atteintes à leur réputation», que leurs déplacements sont restreints et qu'ils se voient refuser des services financiers et des occasions d'emploi.

Il n'a pas été sanctionné par les États-Unis, l'Union européenne ou le Royaume-Uni.

Mais il a été sanctionné par le Canada «en réponse à la conduite inacceptable de membres de l’élite haïtienne qui apportent un soutien financier et opérationnel illicite à des gangs armés», a annoncé la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, le 5 décembre 2022.

«Le Canada a des raisons de croire que ces personnes utilisent leur statut de membres très en vue de l’élite économique en Haïti pour protéger et permettre les activités illégales de gangs criminels armés, notamment par le blanchiment d’argent et d’autres actes de corruption», a écrit Affaires mondiales Canada dans un communiqué de presse à l'époque.

«Les sanctions imposées par le Canada visent à faire pression sur les personnes responsables de la violence et de l'instabilité actuelles en Haïti. Ces personnes doivent cesser de fournir des fonds et des armes aux bandes criminelles en Haïti.»

M. Deeb nie être lié à des gangs. Il a affirmé dans une requête déposée à la Cour fédérale le mois dernier que la ministre avait rejeté sa demande de levée des sanctions le 21 mars de cette année, le jour même où Mme Brazeau l'a contacté pour la première fois au sujet des vols d'évacuation.

Remerciements et éloges

Dans un courriel attribué à Mme Brazeau, on peut lire que l'ambassade canadienne demande l'aide de son organisation pour faciliter le départ de citoyens canadiens.

Le courriel indique que l'ambassade tentait d'organiser quelques vols d'hélicoptères pour des Canadiens en besoin urgent d'aide consulaire.

Le message à M. Deeb demande si le club de golf permettrait l'accès pour l'atterrissage et le départ des hélicoptères.

L'homme d'affaires a répondu à Mme Brazeau le jour suivant pour lui dire qu'il lui ferait plaisir d'aider l'ambassade. 

Affaires mondiales Canada a annoncé le 26 avril avoir aidé près de 700 citoyens canadiens, résidents permanents et proches à quitter le pays.

Le 12 avril, M. Deeb écrit à Mme Brazeau au sujet de l'achèvement des opérations héliportées, lui faisant part du succès de l'opération, ajoutant qu'il restait à sa disposition pour l'avenir.

Le jour suivant, Mme Brazeau lui a envoyé un message pour lui dire que son équipe avait été «exceptionnelle».

«Nous vous remercions encore pour tout le soutien offert à l’ambassade.  Nous avons terminé jusqu’à présent nos opérations, ne sachant pas par contre ce que l’avenir nous apporte les prochains jours/semaines», a-t-elle ajouté.

Les courriels décrivent également une correspondance entre M. Deeb et un officier de liaison de la GRC début avril, sollicitant l'utilisation du terrain de golf pour des vols transportant des membres de la Police nationale haïtienne «répertoriés sur le manifeste ci-joint».

Les courriels de M. Deeb suggèrent qu'il a permis aux vols de se dérouler.

«Je ne sais comment vous remercier, Monsieur le Directeur. Tout s'est bien passé malgré les difficultés rencontrées», a répondu l'officier.

L'officier n'est pas nommé par La Presse Canadienne parce que son rôle en Haïti n'est pas publiquement identifié. Il a refusé de commenter les courriels.

Darryl Greer et Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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