Laisser plus de liberté aux parents pour la date d'entrée au primaire, prône l'IEDM
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — L'Institut économique de Montréal (IEDM) milite pour donner «une plus grande liberté de choix aux parents» québécois quant à l'âge d'entrée au primaire de leurs enfants afin de «favoriser leur réussite éducative future».
Au Québec, la Loi sur l’instruction publique fixe l’âge de la fréquentation scolaire obligatoire à 6 ans pour l'enseignement primaire. La maternelle 4 ou 5 ans est non obligatoire, l'inscription étant laissée à la discrétion des parents.
Dans une note publiée jeudi, un chercheur associé, Guillaume Pouliot, et une économiste, Emmanuelle B. Faubert, de l'IEDM, soutiennent que «sans nécessairement présenter de handicap, certains enfants ont besoin de plus de temps avant d’entrer au primaire».
Selon eux, il existe «des écarts développementaux importants au début du primaire». Ils citent notamment la proportion d'enfants en maternelle 5 ans qui sont considérés comme vulnérables dans un des cinq domaines clés du développement, comme la santé physique et le bien-être, les compétences sociales, la maturité affective ainsi que le développement cognitif et langagier.
En 2022, la proportion était de 28,7 % contre 25,6 % dix ans plus tôt, selon les résultats de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants à la maternelle rapportés par l'IEDM.
L'organisme évoque aussi l'écart de maturité entre les jeunes d'une même cohorte en raison de la date limite utilisée pour établir le début de l’année scolaire. Pour entamer le primaire au Québec, l'enfant doit avoir 6 ans au plus tard le 30 septembre.
Ce qui fait dire à l'IEDM que «les enfants nés quelques jours avant la date limite pour l’entrée obligatoire à l’école sont susceptibles d’être désavantagés par rapport à leurs pairs à peine plus âgés, en raison des différences de maturité».
«On entend régulièrement parler de cas d'enfants qui vont commencer l'école plus jeunes, parce qu'ils sont doués. Un cas qu'on entend moins souvent, ce sont les enfants qui ont 6 ans en septembre et devraient commencer la première année, mais qui, en réalité, ils ne sont pas prêts. Ils n'ont pas la maturité nécessaire», affirme Mme Faubert, en entrevue.
Se référant à certaines études dans sa note, l'IEDM avance que «cette immaturité peut entraîner des défis d’adaptation scolaire, comme une capacité réduite à suivre des consignes, une gestion plus difficile des émotions ou un retard dans certains apprentissages de base».
Laisser «davantage de latitude»
L'IEDM propose de laisser aux parents québécois «davantage de latitude pour décider de l’âge d’entrée à l’école de leurs enfants», puisqu'ils «sont les mieux placés pour évaluer la maturité de leur enfant et son niveau de préparation à l’école».
Au Québec, un parent peut déposer une demande de dérogation pour scolarisation tardive. Mais celle-ci doit démontrer qu'elle cherche à éviter un préjudice grave à l'enfant et doit être appuyée par un psychologue ou un psychoéducateur. La décision revient aux centres de services scolaires.
«Ce n'est pas quelque chose qui est accessible à tous les parents, autant au niveau des connaissances, du temps et de l'argent», soutient Mme Faubert.
Le phénomène de reporter d'un an la scolarisation, appelé aussi «redshirting», demeure marginal au Québec contrairement aux États-Unis, mentionne l'IEDM. L'organisme recommande d'alléger le processus de dérogation dans la province et de laisser plus de place à l'opinion des parents.
«L'idée, c'est de donner à l'enfant une meilleure chance de réussir au niveau scolaire et de s'épanouir à l'école. Parce que si l'enfant entre trop jeune à l'école et qu'il a de la difficulté à suivre, alors ça fait en sorte que cet enfant-là, tout son parcours scolaire va constamment être en rattrapage», indique Mme Faubert, qui précise qu'il ne s'agit pas de favoriser le redoublement.
Favoriser la maternelle 4 ans
Entrer le plus tôt possible dans le système scolaire constitue une des meilleures façons de favoriser la réussite future de l'enfant, selon Yolande Brunelle, chargée de cours à la Faculté des sciences de l’éducation de l'Université du Québec à Montréal et spécialiste en éducation préscolaire et en enseignement au primaire.
«Je suis plutôt en faveur d'inscrire les enfants très, très tôt à la maternelle, soit la maternelle 4 ans, justement pour leur donner les outils nécessaires à leur développement global et aussi pour les soutenir dans leurs difficultés», fait valoir celle qui a publié le livre «Cap sur les maternelles 4 ans», l'automne dernier.
Quatre ans représente un âge important pour le développement des fonctions exécutives de l'enfant, soit la mémoire de travail, l'inhibition et la flexibilité cognitive, expose Mme Brunelle.
«À la maternelle 4 ans, on travaille beaucoup ça avec les enfants. (...) C'est très important. Sur le plan de l'inhibition, par exemple, des activités en groupe vont permettre à l'enfant qui a un trouble d'attention de favoriser sa concentration», explique-t-elle.
Notant une hausse des diagnostics de troubles neurodéveloppementaux chez les jeunes, Linda Pagani, professeure titulaire à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal, croit que l'énergie devrait être mise sur les ressources accordées pour soutenir le travail des enseignants plutôt que sur un report de la scolarisation.
«Même si on attend une année, souvent ceux qui sont moins matures, ça prend trois ou quatre ans avant qu'ils commencent à se comporter comme leur cohorte de naissance. (...) On veut tout le monde dans nos classes, les personnes sourdes, les troubles neurodéveloppementaux, les personnes sur le spectre d'autisme, mais on n'offre pas du soutien aux enseignants», affirme la chercheure au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.
Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne