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La prorogation du Parlement est contestée par deux citoyens en Cour fédérale

durée 11h24
13 février 2025
La Presse Canadienne, 2024
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Deux hommes de la Nouvelle-Écosse demandent à la Cour fédérale de déclarer illégale la suspension actuelle du Parlement parce qu'il doit y avoir une «justification raisonnable» pour recourir à la prorogation, une mesure d'exception.

Les avocats fédéraux soutiennent en réponse que le «conseil» du premier ministre Justin Trudeau à la gouverneure générale de proroger le Parlement n'est pas sujet à un examen par les tribunaux et que le jugement final appartiendra aux électeurs.

La Cour fédérale entendra les arguments des deux parties au cours d'une audience de deux jours qui débute jeudi matin.

Dans leur requête déposée le mois dernier, David MacKinnon, d'Amherst, et Aris Lavranos, d'Halifax, demandent au tribunal une ordonnance qui annulerait la décision de M. Trudeau de conseiller à la gouverneure générale Mary Simon d'exercer son pouvoir vice-royal de proroger le Parlement jusqu'au 24 mars.

MM. MacKinnon et Lavranos demandent également une déclaration selon laquelle cette session du Parlement n'a pas été prorogée.

Le 6 janvier dernier, M. Trudeau a annoncé son intention de démissionner de son poste de premier ministre une fois qu'un nouveau chef libéral sera choisi. Il a également déclaré que la gouverneure générale avait accepté sa demande de proroger le Parlement, mettant ainsi fin au programme législatif et suspendant les travaux de la Chambre des communes et du Sénat.

Les deux requérants ont demandé à la Cour d'accélérer l'audition de leur demande de contrôle judiciaire, citant la menace urgente des États-Unis d'imposer des tarifs élevés sur les marchandises en provenance du Canada.

Ils soutiennent que la décision de M. Trudeau empêche le Parlement de s'acquitter de ses fonctions constitutionnelles dans les circonstances «exceptionnelles et impérieuses» posées par les menaces de tarifs douaniers.

«Bien qu'un premier ministre ait le pouvoir de conseiller au gouverneur général de proroger le Parlement, ce pouvoir ne peut être utilisé en l'absence de justification raisonnable», plaident-ils dans leur mémoire écrit soumis à la Cour.

Ce pouvoir «ne peut pas être utilisé pour permettre au gouvernement de 'contrôler' le Parlement. Ce serait tout simplement de la tyrannie, qui doit être fermement rejetée par cette Cour.»

Une fois par année

L'article 5 de la Charte canadienne des droits et libertés exige que le Parlement siège au moins une fois tous les 12 mois.

MM. MacKinnon et Lavranos contestent l'idée selon laquelle il s'agirait de la seule limite aux pouvoirs de prorogation: ils soutiennent dans leur requête que l'existence même de l'article 5 «démontre que le pouvoir discrétionnaire d'un premier ministre de conseiller une prorogation n'est pas absolu».

«La prorogation n'est pas universellement disponible à la moindre fantaisie», ajoutent-ils.

Les deux hommes soutiennent que l'article 5 ne fournit aucune indication sur le moment et les circonstances dans lesquels une prorogation peut commencer légalement. «C'est une tout autre question», écrivent-ils.

MM. MacKinnon et Lavranos soutiennent également qu'en vertu de principes constitutionnels non écrits, le Parlement, et non le pouvoir exécutif, est suprême, et que pour conserver son autorité de gouverner, le gouvernement doit rester responsable devant le Parlement et conserver sa confiance.

Dans une déclaration sous serment déposée auprès du tribunal, M. MacKinnon, qui a beaucoup travaillé comme avocat, affirme qu'il n'y a personne au Parlement capable d'adopter des lois ou de mener des affaires pour aider le gouvernement dans le cas où des mesures législatives urgentes devaient être prises.

«Je suis particulièrement préoccupé par le fait que le Parlement soit incapable de réagir ou de faire face à la menace économique et politique imminente et sans précédent à laquelle le Canada est confronté de la part des États-Unis, comme l’a annoncé et répété à plusieurs reprises le président Donald Trump», plaide M. MacKinnon.

Dans son mémoire écrit soumis au tribunal, le gouvernement demande que l’affaire soit rejetée.

Les avocats fédéraux affirment que le fondement de la prorogation actuelle et sa durée sont entièrement conformes à l’exercice du pouvoir au Canada et que cette mesure a satisfait à la seule exigence constitutionnelle, à savoir que le Parlement siège au moins une fois tous les 12 mois.

«Pendant la brève période de prorogation, seules cinq semaines de séance prévues de la Chambre des communes auront été interrompues et le pouvoir exécutif du gouvernement a fonctionné et continuera de fonctionner efficacement», indique le mémoire fédéral.

«Toute intervention d’un tribunal serait contraire à l’autorité contraignante, et injustifiée.»

Les conseils du premier ministre au gouverneur général sont donnés conformément à une convention constitutionnelle bien établie et ne sont pas susceptibles d’examen par le tribunal, ajoute le mémoire fédéral.

«Le gouvernement devra rendre des comptes à la Chambre des communes et, en fin de compte, à l’électorat quant à sa décision de proroger le Parlement.»

Jim Bronskill, La Presse Canadienne