La musique synchronisée au rythme interne soulagerait mieux la douleur
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Une mélodie dont le rythme correspond de près au rythme naturel de notre cerveau semble soulager la douleur plus efficacement qu'une mélodie moins bien synchronisée, montrent des travaux réalisés à l'Université McGill.
Le soulagement de la douleur associé à l'écoute de la musique provient probablement du fait que le signal musical «distrait» le cerveau du signal douloureux, a dit le coauteur principal de l’article, Mathieu Roy, qui est professeur agrégé au département de psychologie de McGill.
«On peut donc penser, hypothétiquement, que si la musique présentée est proche de notre rythme de production spontanée, les rythmes associés à la musique vont davantage prendre le dessus sur les rythmes associés à la douleur», a-t-il expliqué.
Des recherches antérieures ont montré que lorsque nous parlons, chantons, jouons d’un instrument ou battons simplement la mesure, nous faisons appel à un rythme qui nous est propre: celui auquel nous sommes plus sensibles et que nous produisons instinctivement.
On pense que ce rythme – le tempo moteur spontané, soit le taux de production spontané – est un cousin lointain des rythmes circadiens mieux connus.
Le professeur Roy et ses collègues ont soumis une soixantaine de personnes (dont certaines musiciennes) à une douleur de faible intensité pendant qu’elles écoutaient de la musique dont le tempo avait été modifié pour correspondre à leur rythme naturel, ou dont le tempo était légèrement plus lent ou plus rapide.
Ils ont ensuite évalué les évaluations que faisaient les sujets de la douleur ressentie. On a aussi mesuré le tempo interne des participants en leur demandant de battre la mesure d'une comptine pour enfants sur un pavé tactile.
«Si on demande à quelqu'un de produire de la musique (...) mais qu'on ne lui dit pas sur quel rythme la produire, chacun va utiliser un rythme qui lui est propre, a expliqué le professeur Roy. Il y en a qui vont être un petit peu plus rapides, d'autres qui vont être un petit peu plus lents, donc c'est ce concept-là qu'on a utilisé pour calibrer le rythme des musiques qu'on présentait à nos participants.»
Ce rythme interne serait généré par des circuits neuronaux qui vont «décharger à une certaine fréquence», a-t-il ajouté. Ce sont ces mêmes «oscillateurs» qui permettraient à notre système nerveux de percevoir le passage du temps.
L’équipe a constaté que, comparativement au silence, la musique atténuait considérablement la perception de la douleur ressentie, et ce, sans égard au style ni au tempo. Cela va dans le sens de plusieurs autres études déjà publiées sur le sujet.
Les chercheurs ont toutefois aussi fait une découverte majeure: la plus grande diminution de la douleur a lieu lorsque la mélodie est jouée selon le rythme naturel du participant.
Lorsqu'on écoute de la musique ou n'importe quel stimulus qui est rythmé, a dit le professeur Roy, à la longue, l'activité de notre cerveau va être entraînée vers ce rythme externe.
«L'activité de notre cerveau va se synchroniser sur ce rythme externe, a-t-il expliqué. On pense que lorsque ce rythme-là est proche de nos rythmes naturels, ça va être plus facile pour le cerveau de se synchroniser sur le rythme externe. C'est un principe de physique très général: lorsque deux oscillateurs sont couplés, ils vont éventuellement tendre à synchroniser leur rythme.»
Donc, a-t-il complété, «dans ce cas-ci, on pense que ce sont les rythmes cérébraux qui vont se synchroniser plus aisément au rythme de la musique, lorsque le rythme de la musique est déjà proche des rythmes naturels du cerveau».
Les données de la nouvelle étude pourraient favoriser l'intégration de la musique au sein des soins de santé quand vient le temps de combattre la douleur, espère-t-il.
«On estime que 20 % de la population canadienne vit avec une douleur chronique, a conclu le professeur Roy. Et face à la crise des opioïdes, qui est très importante, il faut trouver des alternatives. La musique, c'est agréable à écouter, ça ne coûte pas cher et il n'y a pas d'effets secondaires.»
Les conclusions de cette étude sont publiées par l'influent journal médical Pain.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne