La guerre commerciale fait rage entre le Canada et les États-Unis


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Par La Presse Canadienne, 2024
TORONTO — Une guerre commerciale a éclaté entre le Canada et son principal partenaire commercial. Le président américain Donald Trump a imposé des droits de douane qui sont désormais en vigueur et le premier ministre Justin Trudeau a réagi en imposant un ensemble de droits de douane en guise de représailles.
Les actions chutent, les entreprises mettent en garde contre des licenciements imminents et d’autres mesures des deux pays sont probables dans les prochains jours.
Qu’est-ce que tout cela signifie pour vous ? Voici un aperçu de certaines des questions clés.
Qu’est-ce qu’un droit de douane ?
Les droits de douane sont une taxe sur les biens importés. Comme d’autres taxes, ils sont généralement utilisés par les gouvernements pour atteindre des objectifs politiques et augmenter les recettes.
L’objectif principal des droits de douane est généralement de stimuler et de protéger les producteurs nationaux en augmentant les coûts pour les importateurs. Le revers est que ces coûts sont souvent répercutés sur les consommateurs.
Les accords de libre-échange réduisent ou suppriment généralement les droits de douane entre les pays membres. Mais parfois, cela ne fonctionne pas ainsi.
Le décret présidentiel qui frappe le Canada et le Mexique de droits de douane de 25 %, avec une taxe plus faible de 10 % sur l’énergie canadienne, est entré en vigueur mardi juste après minuit.
Mardi, Justin Trudeau a déclaré que le Canada allait immédiatement introduire des droits de douane de 25 % sur 30 milliards $ de produits américains, et qu’il les étendrait à 125 milliards $ supplémentaires de biens américains dans 21 jours.
Le Canada prévoit également de faire des réclamations par le biais de l’accord de libre-échange existant entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ainsi qu’auprès de l’Organisation mondiale du commerce.
Quels sont les effets immédiats et à long terme des droits de douane ?
L’impact des droits de douane peut varier considérablement en fonction de leur montant, de leur ampleur et de leur durée d’application.
Les droits de douane américains entraîneront probablement une baisse des marchandises canadiennes qui y seront exportées, car elles seront moins compétitives. À long terme, les exportateurs canadiens pourraient trouver d’autres marchés, mais la taille même de l’économie américaine signifie qu’il serait difficile de la remplacer complètement comme marché d’exportation.
Les droits de douane du Canada augmenteront le coût des marchandises en provenance des États-Unis. De la même manière, ils inciteront probablement les entreprises canadiennes à importer moins des États-Unis, se tournant plutôt vers des fournisseurs internationaux ou nationaux pour éviter les droits de douane.
Si un droit de douane est suffisamment élevé, il peut rapidement décourager les importations de produits de cette catégorie. Par exemple, les droits de douane de 100 % imposés par le Canada sur les véhicules électriques en provenance de Chine semblent avoir mis un terme à la pratique de Tesla de vendre des véhicules fabriqués dans ce pays au Canada.
Entre-temps, le directeur parlementaire du budget prévoit que les droits de douane de 25 % imposés par le Canada sur l’acier et l’aluminium chinois réduiront de près de moitié les importations de ces produits en provenance de Chine. Les droits de douane sur les métaux eux-mêmes devraient générer environ un milliard de dollars de revenus pour le Canada sur cinq ans.
À quelle vitesse les prix sur les étagères des magasins pourraient-ils être affectés ?
L’effet sur les prix dépend également de la nature des droits de douane imposés et, surtout, de la part des coûts que les entreprises répercutent sur les consommateurs. Il y aura cependant probablement un décalage dans les augmentations de prix, car les entreprises pourraient initialement absorber une partie des coûts supplémentaires.
La Banque du Canada a publié des prévisions de prix potentiels, notamment un scénario dans lequel les États-Unis imposent des droits de douane de 25 % sur tous les biens importés et ses partenaires commerciaux réagissent de la même manière sur les produits américains.
Dans de telles conditions, la banque estime que les droits de douane auraient un effet minime sur les prix la première année. La deuxième année, l’inflation augmente de 0,5 point de pourcentage supplémentaire, tandis que la troisième année, les droits de douane créent une accélération de l'inflation d’un point de pourcentage.
Dans le scénario illustratif, une répercussion plus rapide des prix sur les consommateurs pourrait entraîner une hausse de l’inflation de 0,8 point de pourcentage la première année, tandis qu’une répercussion lente des coûts pourrait en fait entraîner une légère baisse des prix.
Que se passe-t-il à la frontière si vous conduisez un camion rempli de marchandises du Canada aux États-Unis ?
Rien ne change sur le terrain.
Mais en coulisses, la plupart des formulaires de déclaration douanière viennent de subir un changement radical : la case «droits de douane» du formulaire contient désormais un chiffre beaucoup plus important.
Ce formulaire est rempli par les courtiers en douane, qui le soumettent aux portails fédéraux, connus sous le nom d’ACE aux États-Unis et de GCRA au Canada, entre une semaine et une heure avant que la cargaison ne traverse la frontière.
L’«importateur officiel» est ensuite facturé et doit verser ce qu’il doit en droits de douane et taxes avant la fin du mois. Le décompte est collecté aux États-Unis par le «Customs and Border Protection» et au Canada par l’Agence des services frontaliers du Canada.
Les droits sont effectivement comptabilisés dans la valeur des marchandises soumises aux taxes fédérales, ce qui constitue un double coup dur, car les produits plus chers impliquent un paiement de taxes plus élevé.
«Beaucoup de gens ne s’en rendent pas compte, mais cela a d’énormes répercussions fiscales, a déclaré Lisa McEwan, copropriétaire de Hemisphere Freight & Brokerage Services, une entreprise basée à Toronto. Ce ne sont pas seulement les droits de douane qui augmentent, mais aussi les taxes.»
Que signifient les droits de douane pour l’économie ?
L’imposition de droits de douane par les États-Unis pourrait déclencher un cycle néfaste de hausse des coûts entraînant une baisse de la demande, ce qui ralentirait l’économie et créerait un chômage plus élevé, érodant davantage la demande et la santé économique.
Les facteurs à effet boule de neige exerceraient une pression sur le dollar canadien et provoqueraient une baisse des investissements des entreprises, ce qui entraînerait à son tour de nouvelles pertes d’emplois et des freins plus importants à l’économie.
Dans le scénario de droits de douane mutuels de 25 % de la Banque du Canada, les volumes d’exportation du Canada diminueraient considérablement en raison d’une baisse de la demande des États-Unis, tandis que le ralentissement du PIB signifierait également une baisse des prix des matières premières, ce qui réduirait encore davantage la demande d’exportations canadiennes.
Le PIB subirait une baisse de 2,4 % la première année des droits de douane selon le scénario principal de la banque centrale, suivie d’un impact de 1,5 % la deuxième année, puis aucun effet la troisième année.
Le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré que jusqu’à 160 000 emplois pourraient être perdus au Québec si les droits de douane de 25 % étaient maintenus dans l’ensemble de l’économie.
Quels sont les secteurs qui pourraient être les plus touchés par les droits de douane ?
Les entreprises orientées vers l’exportation seront bien sûr les plus touchées, mais le bilan dépendra de la difficulté des acheteurs américains à trouver des solutions de rechange et de la marge de manœuvre dont ils disposeront pour supporter les coûts supplémentaires.
Les industries fortement intégrées comme le secteur automobile seront particulièrement perturbées, car les pièces traversent souvent la frontière plusieurs fois avant qu’un véhicule ne soit terminé.
S&P Global a déclaré que les secteurs qui transforment les ressources seraient probablement les plus touchés, c’est-à-dire les industries comme la production de papier et de plastique ainsi que la fabrication de machines et de produits chimiques.
Les industries qui exportent souvent des matières premières, comme le pétrole, le gaz et l’exploitation minière, seraient moins touchées, car les producteurs américains ajoutent de la valeur à ces ressources en les transformant, ce qui leur donne une plus grande marge de manœuvre pour absorber le coût des droits de douane.
Selon S&P Global, les secteurs des produits du papier et de l'impression pourraient connaître une baisse de production comprise entre 9 et 15 %, tandis que les métaux connaîtraient une baisse de l'ordre de 3 à 6 %.
La Presse Canadienne