L'APN discutera de la protection de l'enfance et de la police lors de son assemblée
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — Des centaines de chefs des Premières Nations se réunissent à Ottawa pendant trois jours cette semaine pour discuter de réconciliation économique, de la réforme du système de protection de l'enfance des Premières Nations, du système de police et du prix du carbone lors d'une assemblée spéciale des chefs de l'Assemblée des Premières Nations (APN).
Cette réunion fait suite à une assemblée houleuse en octobre dernier, au cours de laquelle les chefs ont rejeté un accord de 47,8 milliards $ sur la réforme du système de protection de l'enfance conclu avec le Canada, après des décennies de batailles juridiques qui ont révélé que le gouvernement fédéral discriminait les enfants des Premières Nations.
Elle intervient également alors que les chefs s'inquiètent de plus en plus d'un changement de gouvernement, avec des élections fédérales imminentes et un Parlement bloqué, ce qui signifie que des projets de loi essentiels pour les Premières Nations n'avancent pas.
Souvent, des politiciens fédéraux assistent aux rassemblements de l'Assemblée, notamment le premier ministre Justin Trudeau, dont le discours est prévu pour jeudi, selon un projet d'ordre du jour.
Le chef conservateur Pierre Poilievre ne devrait pas être présent. Son épouse, Anaida, prendra toutefois la parole mercredi lors d'un panel sur la traite des êtres humains.
La cheffe nationale de l'APN, Cindy Woodhouse Nepinak, a indiqué lors d'une entrevue que l'organisation continuerait d'inviter M. Poilievre à s'adresser aux chefs et qu'il pourrait se joindre à eux pour des discussions lors de la prochaine assemblée.
Le dirigeant conservateur s'est adressé à l'APN pour la première fois depuis qu'il a été nommé chef du parti lors de son assemblée générale annuelle, en juillet dernier.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, et le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, doivent s'adresser à l'Assemblée jeudi, suivis du ministre de la Justice, Arif Virani, du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, et de la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu.
Plus de 1700 chefs, mandataires et participants se sont inscrits pour y assister.
Les services à l'enfance et à la famille au centre de la réunion
Neuf résolutions sont consacrées à la réforme du programme de services à l'enfance et à la famille des Premières Nations, dont près de la moitié de la journée de mercredi est consacrée à cette question. Cela comprend l’accord de 47,8 milliards $ que l’APN, les chefs de l’Ontario et la nation Nishnawbe Aski ont conclu avec Ottawa en juillet, après une bataille juridique de près de deux décennies concernant le sous-financement par le gouvernement fédéral des services de protection de l’enfance dans les réserves.
Le sous-financement du Canada était discriminatoire, car cela signifiait que les enfants vivant dans les réserves recevaient moins de services que ceux vivant hors réserve, a souligné le Tribunal canadien des droits de la personne.
Le tribunal a d'ailleurs chargé le Canada de conclure un accord avec les Premières Nations pour réformer le système et indemniser les enfants qui ont été arrachés à leurs familles et placés en famille d’accueil.
L’accord devait couvrir 10 ans de financement pour que les Premières Nations prennent le contrôle de leurs propres services de protection de l’enfance du gouvernement fédéral, créent un organisme pour traiter les plaintes et mettent de l’argent pour la prévention, entre autres choses.
Les chefs ont voté contre l’accord lors d’une assemblée spéciale en octobre consacrée à la protection de l’enfance. Ils ont également adopté des résolutions demandant une nouvelle équipe de négociation et une nouvelle équipe juridique dans l’espoir d'apporter plus de transparence au processus.
«Nous devons trouver un moyen d'aller de l'avant», a avancé la cheffe Woodhouse Nepinak lors d'une entrevue. «S'il y a une chose sur laquelle tout le monde peut s'entendre, c'est que le système de protection de l'enfance dans ce pays est défaillant.»
L'APN a exhorté le Canada à revenir à la table des négociations avec un nouveau mandat après l'annulation de l'accord, mais la cheffe Woodhouse Nepinak a déclaré que l'APN n'avait pas encore reçu de réponse.
Après le vote d'octobre, Mme Hajdu avait fait savoir qu'elle était déçue du résultat, mais que le gouvernement examinerait toutes les options pour s'assurer que les négociations puissent se poursuivre. Elle a aussi avancé que le gouvernement attendait que l'APN revienne avec un plan.
Ce message a été réitéré dans une déclaration de son bureau lundi. «Nous sommes déterminés à bâtir ensemble un système dans lequel tous les enfants des Premières Nations grandissent entourés de leur culture, de leur amour et de leur langue», a déclaré la porte-parole, Jennifer Kozelj.
La guerre au Moyen-Orient aussi abordée
La grande majorité des résolutions débattues cette semaine à l'Assemblée portent sur les Premières Nations du Canada, mais l'une d'entre elles exhorte les chefs à porter leur attention sur le Moyen-Orient dans le contexte de la guerre en cours entre Israël et le Hamas.
Le chef Louis Kwissiwa de Netmizaaggamig Nishnaabeg, anciennement de la Première Nation de Pic Mobert, a présenté une résolution appelant les chefs à «soutenir les droits du peuple palestinien à exercer l'autodétermination sur ses terres et territoires traditionnels, et les droits des Palestiniens déplacés par les forces du colonialisme de peuplement à retourner sur leurs terres».
La résolution réclame également au Canada de reconnaître l'État palestinien, de sanctionner le gouvernement israélien et de surveiller ou de prendre des mesures contre les citoyens canadiens ou les organismes de bienfaisance impliqués dans «des activités de colonisation illégales en Palestine occupée».
Une autre résolution demande aux chefs de soutenir une contestation judiciaire contre le prix du carbone à la consommation.
Le projet de loi visant à garantir aux Premières Nations un accès à une eau potable propre sera probablement l'un des principaux sujets de discussion, ainsi que les services de police des Premières Nations, selon la cheffe Woodhouse Nepinak.
Une résolution d'urgence, qui doit être discutée mardi, demande une enquête nationale sur le racisme systémique dans les services de police et sur les décès de membres des Premières Nations aux mains de la police.
Cette décision intervient après que six personnes ont été tuées en septembre après des interactions avec les forces de police, lors d'incidents distincts à travers le pays.
«L'une des choses sur lesquelles nous devons agir est la police et la sécurité publique dans nos communautés des Premières Nations», a soutenu la cheffe Woodhouse Nepinak. «Les Premières Nations sont toujours négligées, et pourtant, nous devons faire face à ces problèmes chaque semaine.»
Alessia Passafiume, La Presse Canadienne