L’attrition est «le pire moyen» de réduire la taille de la fonction publique
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Par La Presse Canadienne, 2024
OTTAWA — La fonction publique fédérale du Canada a augmenté de plus de 100 000 personnes au cours des dix dernières années. Les libéraux et les conservateurs cherchent à réduire sa taille en ne pourvoyant pas les postes vacants.
Mais un ancien greffier du Conseil privé estime que c'est la façon la moins efficace de réduire la fonction publique et qu'elle pourrait nuire à long terme à sa productivité.
«L’attrition est le pire moyen d'arriver à une fonction publique plus petite et plus légère, et cela s'applique au gouvernement libéral actuel et au programme conservateur», a déclaré Michael Wernick, qui a été le principal fonctionnaire du pays de 2016 à 2019.
Il aimerait que chaque décision soit guidée par un examen des programmes et des dépenses.
«Il n'y a pas de plan. Il s'agit simplement de profiter des départs à la retraite et des départs volontaires. Ce n'est pas une façon réfléchie d'élaguer. Ce n'est pas stratégique», a affirmé M. Wernick.
Dans le cadre de son examen des dépenses, le gouvernement libéral a annoncé dans le budget 2024 un plan visant à réaliser des économies par attrition dans la fonction publique fédérale.
Le budget indique qu'à partir du 1er avril 2025, les ministères et organismes fédéraux devront couvrir «une partie de l'augmentation des coûts de fonctionnement» au moyen des ressources existantes et que la taille de la fonction publique sera amputée d'environ 5000 postes à temps plein au cours des quatre prochaines années.
La réduction du nombre de fonctionnaires permanents ne faisait pas partie du plan initial, mais les ministères et organismes fédéraux ont commencé à annoncer des licenciements et des réductions d'effectifs en raison des contraintes budgétaires auxquelles ils sont confrontés.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a dévoilé en janvier un plan de suppression d'environ 3300 emplois dans les trois prochaines années, dont environ 660 employés permanents.
Le chef conservateur Pierre Poilievre a déclaré cette semaine que la fonction publique était surchargée et qu’il ne remplacerait pas tous les fonctionnaires fédéraux lorsqu'ils prendront leur retraite s’il devient premier ministre.
«Il y a environ 17 000 bureaucrates qui prennent volontairement leur retraite chaque année. Je ne vais pas tous les remplacer. Grâce à cette puissante mathématique de l'attrition, nous réduirons l'obésité morbide de la bureaucratie», a-t-il dit lundi.
M. Poilievre a précisé que l'argent économisé serait consacré à la sécurité des frontières, y compris «des troupes de première ligne sur le terrain, des drones, des hélicoptères et d'autres moyens de surveillance aérienne».
Encore loin de la retraite
Le gouvernement indique qu'il y a 367 772 fonctionnaires en 2024, comparativement à 257 034 en 2015.
Si l'augmentation observée ces dernières années peut être attribuée en partie à l'embauche liée à la pandémie de COVID-19, elle pourrait également s'expliquer par l'augmentation de la population canadienne de plus de cinq millions d'habitants depuis l'entrée en fonction du premier ministre Justin Trudeau.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada rapporte qu'il y a eu 8041 départs à la retraite et 2215 démissions dans la fonction publique fédérale en 2023-2024. De plus, 2551 fonctionnaires ont quitté la fonction publique pour d’autres raisons.
Lori Turnbull, professeure de sciences politiques et conseillère principale à l'Institut de la gouvernance de l'Université Dalhousie, partage l'avis de M. Wernick selon lequel l'attrition n'est peut-être pas le moyen le plus rapide de réduire les dépenses, car de nombreuses personnes embauchées récemment par Ottawa sont loin d'être à l'âge de la retraite.
Les statistiques montrent que l'âge moyen des fonctionnaires fédéraux en 2023 était de 43 ans et que l'âge moyen des cadres supérieurs était de 50 ans.
Fen Osler Hampson, professeur d'affaires internationales à l'Université de Carleton, reconnaît que la fonction publique fédérale est trop nombreuse et que la situation n’est pas viable.
«La taille de la fonction publique a augmenté beaucoup plus rapidement que la croissance de l'économie. S’il y a une récession à cause du président américain Donald Trump, il faudra réduire la taille de la fonction publique parce qu'elle pèse déjà sur l'économie lorsqu'elle est au plein emploi ou presque», a-t-il affirmé.
M. Hampson a toutefois souligné que les départs naturels ne suffiraient pas à réaliser des économies substantielles.
«Il va falloir procéder à des rachats de contrats et probablement à une révision générale des programmes pour déterminer ce qu’on veut garder et ce qu’on veut se débarrasser.»
Catherine Morrison, La Presse Canadienne