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Inconduites sexuelles: la générale Carignan donne raison en partie aux critiques

durée 10h30
25 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — La cheffe d'état-major de la Défense, la générale Jennie Carignan, donne raison aux critiques sur la façon dont l'armée s'empêtre dans de la bureaucratie lorsqu'il est temps de répondre aux enjeux d'inconduites sexuelles.

«Jusqu'à un certain point, je suis d'accord», a-t-elle admis dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne à son bureau au quartier général de la Défense nationale, à Ottawa, six mois presque jour pour jour après son entrée en fonction.

Habillée en tenue de combat, et tout juste de retour d'un séjour en Ukraine, la générale a expliqué qu'«il y a toujours l'intention de faire la meilleure "job" possible» et que cela génère «énormément» de discussions sur comment y arriver.

«Le mieux est l'ennemi du bien. On est souvent pris dans ces choses-là», s'est-elle désolée en employant l'adage voulant qu'on gâche une bonne chose en tentant de la rendre meilleure.

Secouée depuis de nombreuses années par des affaires d'inconduites sexuelles dans ses rangs avec notamment plusieurs hauts gradés tombés en disgrâce, l'armée tente de changer sa culture.

En 2022, un imposant rapport de l'ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour appelait à des changements profonds dans les structures et les façons de faire. Elle notait explicitement que les «listes, graphiques, inventaires, présentations PowerPoint» sont à reléguer aux oubliettes.

Et le problème n'est pas réglé. En mai dernier, la contrôleuse externe qui supervise l'implantation des recommandations de la juge à la retraite notait qu'«une lourde charge bureaucratique» pèse sur l'organisation, ce qui retarde les changements.

À lire ses conclusions, on comprend vite qu'à force de créer «des groupes de travail», la ville entière voulait ajouter son grain de sel. Et, en plus, le message pouvait devenir flou ou «pire encore» faire l'objet de compromis pour apaiser tous les points de vue.

En entrevue, la générale en chef – qui a d'ailleurs été la première femme à prendre les rênes des Forces armées canadiennes – sourit lorsqu'est évoquée l'idée que ses troupes puissent regorger de machos.

Elle expliquera que «c'est grand» la Défense, que beaucoup de gens sont impliqués et ont des divergences d'opinions sur la façon de traiter de chaque problème.

«À un moment donné, il faut dire: "ok, c'est assez, on a fait assez d'analyses, (...) on va aller de l'avant et puis on ajustera au fur et à mesure qu'on voit les impacts de ce qu'on met en action".»

Pas une «distraction»

Un de ses principaux messages est que les enjeux relatifs aux inconduites ne représentent pas une perte de temps.

«Que ce soit au niveau du public ou souvent aussi à l'interne parmi les gens qui interagissent (elle entend dire): "ouais, mais ces affaires de conduite professionnelle-là, c'est une distraction sur le "job" difficile qu'on a à faire". Pas du tout», a-t-elle martelé.

La générale Carignan observe néanmoins qu'il y a des changements à ce chapitre et qu'elle entend «de moins en moins» de tels propos. «L'efficacité opérationnelle, c'est directement relié à la capacité de nos équipes à travailler ensemble», a-t-elle déclaré.

Celle qui s'est fait désigner à tour de bras par son équipe comme la «CDS», l'abréviation de «Chief of the Defence Staff», a assuré être «sur la bonne voie» pour mettre en œuvre d'ici la fin de 2026 les principales recommandations pour lutter contre les inconduites sexuelles dans l'armée.

Et les changements apportés seront «irréversibles», promet-elle.

La générale connaît bien le dossier. Dans son poste précédent, elle a été l'officière supérieure chargée de superviser le changement de culture au sein de l’armée.

En 2021, avec son équipe, elle a sélectionné les recommandations qui auraient «le plus d'impact sur nos gens» et elle les a «programmées» sur cinq ans «parce qu'on ne peut pas tout faire en même temps».

L'objectif était «cette fois-ci» de «s'assurer qu'on "dealait" avec une fois pour toutes», a-t-elle raconté.

L'armée intègre désormais les enjeux de conduite professionnelle dès la formation initiale puis tout au long de la carrière des militaires, et des formations en matière de leadership sont maintenant prévues à divers niveaux.

Michel Saba, La Presse Canadienne