Des preuves ont été rejetées pour des propos tenus en privé par des policiers
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Par La Presse Canadienne, 2024
VANCOUVER — En août 2021, une affaire de drogue à Toronto a pris une tournure particulière lorsqu'un procureur a demandé au tribunal de rejeter les déclarations d'un témoin clé de la police.
Cette demande est survenue après que les avocats de la défense eurent interrogé l'agent du service de police de Toronto Ryan Kotzer sur des «commentaires désobligeants sur les Noirs» tenus dans un groupe de discussion non officiel de la division 51 de la police.
Dans une autre conversation, un autre agent de la division a posé une question sur les poils pubiens d'une collègue, demandant s'ils étaient «comme une fille noire».
Cette vulgarité a également trouvé son chemin jusqu'aux tribunaux — utilisée pour dépeindre l'agent qui a fait le commentaire comme raciste dans le but de faire tomber une autre affaire de trafic humain.
Le contenu troublant des groupes de discussion non officiels de la division 51 du service de police de Toronto fait l'objet de fuites sur les réseaux sociaux depuis des années.
Des captures d’écran partagées avec La Presse Canadienne montrent des policiers échangeant du contenu pornographique, des blagues sur le viol, des plaintes contre des juges «gauchistes» et une photo des filles du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, sous laquelle un policier a commenté: «je sais laquelle je veux.»
Dans au moins deux cas, des conversations ont été utilisées pour tenter de mettre en doute la crédibilité des témoins de la police.
L’avocat de la défense Alonzo Abbey a été surpris lorsque le procureur de la Couronne a demandé au tribunal d’écarter complètement le témoignage de M. Kotzer, qui surveillait le campement de sans-abri de Moss Park au centre-ville de Toronto.
«C’était choquant, a affirmé Me Abbey. Je n’avais jamais vu ça auparavant». Le juge a statué le juge, que les preuves de M. Kotzer contre deux jeunes de 20 ans accusés de possession de fentanyl et d'une arme de poing chargée étaient compromises. L'affaire s'est alors effondrée et n'a jamais été jugée.
«Le fait que ce soient des policiers qui parlent ainsi entre eux dans le chat privé est très inquiétant et troublant», a commenté Me Abbey, qui représentait l'un des accusés.
Une question de vie privée
La question de la confidentialité et des allégations d'abus de pouvoir des enquêteurs contre les policiers font l'objet d'un débat important entourant les conversations policières non officielles.
En Colombie-Britannique, des agents du service de police de Nelson et de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de Coquitlam ont tenté de bloquer des enquêtes disciplinaires concernant des conversations de groupe sur des téléphones personnels.
Dans une discussion décrite dans une demande de mandat de perquisition, des membres non identifiés de la GRC de Coquitlam disent croire que leurs conversations privées ne seraient pas dévoilées parce qu'ils étaient «entre gens de confiance».
Cette position reflète les inquiétudes des critiques selon lesquelles certaines conversations de groupe sont utilisées pour garder les affaires policières privées de manière inappropriée.
Le président de l'Association des policiers de Toronto, Clayton Campbell, a affirmé que les services de police de tout le pays surveillent de près la contestation judiciaire des policiers de Nelson contre la saisie de leurs téléphones personnels «parce que cela pourrait avoir des répercussions dans tout le Canada».
M. Campbell a expliqué que la nouvelle Loi sur la sécurité communautaire et la police de l'Ontario contient un libellé similaire à celui de la Loi sur la police de la Colombie-Britannique, «concernant la fouille sans mandat des téléphones portables personnels de nos membres».
Il a convenu que les contenus de clavardage de groupe de la police qui ont été rendus publics peuvent être troublants, mais a rappelé que les personnes exerçant des professions réglementées comme la police ont toujours droit à la vie privée et aux droits garantis par la Charte des droits et libertés.
Dans l’affaire Coquitlam, une demande de mandat de perquisition déposée devant un tribunal provincial de la Colombie-Britannique par le sergent Bryson Yuzyk, un agent des normes professionnelles de la GRC, décrit des remarques faites par des agents dans des clavardages privés. Ils auraient :
— dit d'une recrue qu'elle était «dégoûtante» et «immonde» en plus de se moquer de son poids en «insinuant que la forme de son vagin était visible à travers ses vêtements».
— utilisé une insulte homophobe contre des Noirs et traiter un collègue de la GRC qui n’était pas dans la discussion de «tête de turban»
— célébré d’avoir «tasé des Noirs non armés» et traité une victime présumée d’agression sexuelle de «Mexicaine idiote».
Les gendarmes Ian Solven, Mersad Mesbah et Philip Dick de la GRC doivent se présenter à une audience sur leur code de conduite le 17 février à Surrey, en Colombie-Britannique.
Ils ont tenté d'exclure les preuves obtenues par téléphone personnel, affirmant que leur utilisation violait leurs droits garantis par la Charte. Un comité de déontologie de la GRC a rejeté cette allégation en juin dernier.
Le trio a refusé de commenter, aucune des allégations portées contre eux n'a été prouvée.
Darryl Greer, La Presse Canadienne