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Des municipalités craignent l'impact des nouvelles cartes de zones inondables

durée 06h00
15 décembre 2024
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Les responsables de certaines municipalités du Québec ravagées par les inondations passées craignent d’éventuelles répercussions financières pour les résidents, alors que la province s'apprête à introduire de nouvelles cartes des zones inondables qui élargiraient considérablement les zones considérées comme à risque.

Lorsqu’une digue a cédé à Sainte-Marthe-sur-le-Lac il y a cinq ans, la ruée des eaux a forcé plus de 6000 personnes à quitter leur domicile. Les résidents se sont depuis efforcés à reconstruire leur vie dans la municipalité située juste à l’ouest de Montréal, mais le maire François Robillard affirme que les nouvelles cartes des zones inondables suscitent encore plus de frustration.

«Les citoyens sont vraiment choqués en ce moment (…) parce que cela va avoir un impact sur leur vie quotidienne», a-t-il indiqué lors d'une entrevue.

Les cartes des zones inondables actuelles du Québec désignent deux zones à risque pour les zones fluviales et côtières – des inondations sont attendues soit d’ici 20 ans, soit entre 20 et 100 ans. Dans le cadre du nouveau système qui devrait être mis en place en 2025, il y aura quatre catégories de risque: faible, modéré, élevé et très élevé. Chaque catégorie a ses propres règles en matière de construction et de rénovation.

Par exemple, le propriétaire d'une résidence située dans une zone à très haut risque ne serait pas autorisé à construire une nouvelle maison sur sa propriété ou à reconstruire une maison qui aurait été détruite par une inondation.

Selon M. Robillard, les cartes préliminaires qu'il a consultées placent 2000 maisons de sa municipalité dans des zones inondables, contre seulement deux actuellement. Ce changement radical amène les résidents de sa ville d'environ 20 000 habitants à se demander quel impact ces désignations auront sur leurs propriétés.

«En 2019, la digue s'est rompue et il y a eu une inondation. À partir de ce moment-là, le gouvernement a autorisé tous les habitants de Sainte-Marthe-sur-le-Lac qui étaient touchés à reconstruire sans les restrictions d'une zone inondable», a-t-il expliqué. Avec une nouvelle digue en place, les résidents se croyaient à l'abri.

«S’ils avaient su quatre ans et demi plus tard que nous allions déclarer une zone inondable (…) les gens n’auraient pas nécessairement investi ici», a souligné le maire. «Ils auraient peut-être pris l’argent du gouvernement et l’auraient réinvesti ailleurs», a-t-il précisé, qualifiant le changement de cap du gouvernement de «non-sens».

Le ministère de l'Environnement du Québec n'a pas répondu à une demande de commentaires.

En juin, le ministère estimait qu'avec les nouvelles cartes, plus de trois fois plus de Québécois se retrouveraient dans des zones à risque, passant de 22 000 à 77 000 foyers. Le mois dernier, le ministère a fait savoir que ce chiffre serait probablement revu à la baisse.

Juste à l'ouest de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, sur le lac des Deux Montagnes, Pointe-Calumet est également protégée par une digue. Elle n'a pas été inondée depuis les années 1970 et la mairesse Sonia Fontaine soutient qu'elle n'a jamais été considérée comme une zone inondable. Cependant, les cartes mises à jour placeraient plus de 97 % du territoire en zone inondable, a-t-elle mentionné.

Mme Fontaine a accusé la province de laisser les gens dans l'ignorance et de leur faire craindre une baisse de la valeur de leur propriété.

«Depuis juin, les gens ne savent plus quoi faire de leur maison ici», a-t-elle expliqué, ajoutant que l'impact se fait sentir avant même l'entrée en vigueur des nouvelles cartes. «Je rencontre des gens chaque semaine, des gens qui pleurent, des gens qui n'arrivent pas à vendre leur maison aujourd'hui.»

Mme Fontaine et M. Robillard souhaitent que Québec supprime les désignations de zones inondables proposées pour leurs municipalités et crée une catégorie distincte pour les municipalités protégées par des digues.

Une levée de boucliers au Québec

La frustration suscitée par les cartes des zones inondables a pris une tournure plus sombre dans la région des Basses-Laurentides. Sylvie D'Amours, députée de Mirabel pour la Coalition Avenir Québec, a annoncé en octobre qu'elle fermait son bureau de circonscription pour des raisons de sécurité. Quelqu'un a tiré avec ce que la police a décrit comme un fusil à plombs et a brisé une fenêtre du bureau. Mme D'Amours a suggéré que la colère suscitée par le projet de son gouvernement de mettre à jour les cartes des zones inondables pourrait être un motif possible.

Beauceville, au sud de la ville de Québec, a également eu sa part d'inondations. En 2019, un embâcle sur la rivière Chaudière s'est détaché, projetant de l'eau et des morceaux de glace au cœur de son centre-ville historique. Une centaine de bâtiments ont été démolis.

Serge Vallée, directeur général de la municipalité, a indiqué que 59 bâtiments de Beauceville sont actuellement situés dans des zones inondables.

«Ce que nous craignons, c'est que cela va augmenter avec les nouvelles cartes», a-t-il souligné, ajoutant que même une désignation à faible risque pourrait avoir un effet négatif sur leurs hypothèques et leurs assurances.

Joanna Eyquem, spécialiste des infrastructures résilientes au climat au Centre Intact d'adaptation au climat de l'Université de Waterloo, juge que la mauvaise communication et le manque d'informations facilement accessibles ont contribué à la levée de boucliers au Québec.

Les Québécois ne devraient pas obtenir ces informations uniquement des gouvernements provincial et municipal, mais également des compagnies d'assurance et des prêteurs hypothécaires, qui ont leurs propres cartes des zones inondables, a-t-elle fait valoir.

Mme Eyquem a toutefois souligné que les digues peuvent être rompues et que le risque pour des municipalités comme Sainte-Marthe-sur-le-Lac et Pointe-Calumet ne doit pas être ignoré.

Bien que le nouveau système de cartographie soit une avancée positive, le Canada est loin derrière des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni en matière de cartographie nationale, a-t-elle déclaré, précisant que les nouvelles cartes du Québec ne tiennent même pas compte des fortes précipitations, qui seront une source croissante d'inondations en raison du changement climatique.

Joe Bongiorno, La Presse Canadienne

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