Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Des députés canadiens, australiens et néo-zélandais réclament un État palestinien

durée 10h25
1 octobre 2024
La Presse Canadienne, 2024
durée

Temps de lecture   :  

6 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

OTTAWA — Des députés fédéraux du Canada travaillent avec leurs alliés de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande pour convaincre leurs gouvernements respectifs de reconnaître conjointement l'État palestinien.

À Ottawa, la députée néo-démocrate Heather McPherson dirige un effort pour recruter des députés canadiens. Elle estime que s'appuyer sur le travail déjà effectué par les trois gouvernements pourrait être le meilleur levier pour faire avancer une solution à deux États.

«Si c'est comme ça qu'on pourra faire avancer des questions qui sont importantes à mes yeux, on va travailler ensemble pour exercer de plus en plus de pression sur ces trois gouvernements», a-t-elle expliqué.

«À mon sens, il est incroyable que l'on continue à prôner une solution à deux États, tout en refusant de reconnaître l'État de Palestine.»

Le député néo-zélandais Phil Twyford participe aussi à cet effort visant à ce que les trois pays reconnaissent officiellement l'État de Palestine. Cette reconnaissance irait au-delà de la pratique actuelle consistant à appeler à une solution à deux États, en référence à la création éventuelle d'un pays palestinien qui vivrait en paix aux côtés d'Israël.

«Cela enverrait un message très important au reste de la communauté internationale si nos pays soutenaient la reconnaissance de la Palestine en ce moment, de manière positive et constructive», a-t-il fait valoir.

Depuis décembre, Ottawa a signé trois longues déclarations communes avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui exposent des positions communes sur le Hamas, Gaza, les otages israéliens et l'aide humanitaire.

Le petit groupe d'élus recrute actuellement des députés et des sénateurs pour une conférence virtuelle afin de déterminer comment ils pourraient travailler de concert, par exemple en publiant des déclarations ou en utilisant des outils législatifs. Les députés seront rejoints par un collègue d'Irlande qui a reconnu la Palestine en mai, en même temps que la Norvège et l'Espagne.

Selon les députés d'Ottawa, de Canberra et de Wellington qui participent à cet effort, la guerre à Gaza a été le problème dominant de la politique étrangère dans chaque pays. Le conflit a entraîné d'importantes manifestations, tout en galvanisant les jeunes électeurs.

De l'avis de la députée australienne Maria Vamvakinou, le Canada et l'Australie ont tous deux des communautés de la diaspora qui veulent que leurs élus plaident plus fermement pour la fin de la guerre.

«Nous entretenons des relations bilatérales très étroites et avons également des expériences communautaires très similaires», a-t-elle rappelé.

«Étant donné que nos pays partagent les mêmes idées sur cette question, il est logique qu'il existe également un réseau de parlementaires à parlementaires.»

Limiter la riposte

Les trois députés affirment que l'idée derrière leur regroupement est de limiter les répercussions qu'une telle mesure pourrait provoquer. Israël a déjà menacé de bloquer l'accès des diplomates européens à leurs missions en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est si leur gouvernement devait reconnaître un État palestinien.

M. Twyford a décrit les trois pays comme étant solidement ancrés dans le camp occidental des alliances qui soutiennent Israël depuis des décennies, mais qui ont également une tendance à la pensée indépendante et à la défense des droits de la personne. À son avis, il n'y a que des «nuances» dans la façon dont ils perçoivent le Moyen-Orient.

«La reconnaissance de la Palestine est une étape cruciale pour faire comprendre à la communauté internationale qu'il doit y avoir un règlement politique négocié et que les Palestiniens doivent être à la table des négociations», a soutenu M. Twyford.

En mai, le ministre des Affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande a déclaré que la reconnaissance de la Palestine était «une question de quand, pas de si», et que l'échéancier dépendait d'une idée claire de qui représente les Palestiniens.

Ce leadership est divisé, puisque l'Autorité palestinienne administre la Cisjordanie, mais a perdu le contrôle de la bande de Gaza au profit du Hamas en 2007. Cela fait près de deux décennies que l'Autorité palestinienne, sous le parti Fatah, n'a pas organisé d'élections présidentielles et législatives.

M. Twyford a noté que des pays comme les États-Unis avaient reconnu Israël et le Kosovo avant qu'ils ne soient des États pleinement fonctionnels.

«L'appel à la reconnaissance ne vise pas à reconnaître un parti politique particulier, a-t-il précisé. Il s'agit de reconnaître la Palestine en tant qu'entité.»

Débat sur la manière

La semaine dernière, le ministre australien des Affaires étrangères a appelé à un «échéancier clair pour la déclaration internationale de l'État palestinien», tout en affirmant qu'une déclaration unilatérale ne serait pas efficace.

Aussi la semaine dernière, la ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a fait savoir qu'Ottawa était encore en train de déterminer ce dont il a besoin pour aller de l'avant. «Nous travaillons avec les pays partageant les mêmes idées que nous, pour nous assurer d'identifier les conditions du bon moment», a-t-elle mentionné.

Les députés du Comité permanent des affaires étrangères de la Chambre des communes ont voté pour lancer une étude sur la meilleure façon dont le Canada pourrait reconnaître la Palestine, les libéraux et le NPD ayant adopté une motion à laquelle les conservateurs se sont opposés.

Le comité n'avait pas publié le compte rendu de ses récentes réunions à huis clos lundi après-midi, mais certains députés ont parlé aux médias. Les conservateurs ont fait valoir que la reconnaissance de l'État de Palestine mettrait le Canada hors jeu par rapport à ses pairs du G7.

Mme McPherson espère que ce débat ne détournera pas l'attention des autres demandes du NPD, comme un appel à davantage de restrictions sur les armes et de sanctions contre les responsables israéliens d'extrême droite.

«C’est important, mais ce ne peut pas être la seule chose sur laquelle le gouvernement va agir», a-t-elle prévenu.

L’organe des droits de la personne des Nations unies a rapporté en juin que 146 des 193 membres de l’assemblée avaient reconnu l’État de Palestine, dont la plupart des pays d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient.

Malgré tout, le gouvernement israélien s'y oppose fermement. En juillet, le parlement israélien a rejeté à une écrasante majorité l’idée d’une solution à deux États, lors d’un vote à 68 contre 9.

«Toute initiative visant à améliorer le statut des Palestiniens – que ce soit aux Nations unies ou de manière bilatérale – récompense et encourage le terrorisme, en particulier pour le Hamas, qui considérerait ces actions comme une validation de ses attaques génocidaires contre Israël», peut-on lire dans un communiqué de l’ambassade d’Israël à Ottawa.

«De telles décisions compromettent gravement les perspectives de résolution du conflit, qui ne peuvent être obtenues que par des négociations directes.»

L'impact de l'élection américaine

Selon l'ambassadrice palestinienne au Canada, Mona Abuamara, les députés sont motivés en partie par les élections américaines de novembre et la perspective d'une nouvelle présidence de Donald Trump.

«Je ne pense pas qu'un pays va vouloir s'opposer à lui sur ce sujet à ce stade», a affirmé Mme Abuamara en août lors d'une entrevue avec La Presse Canadienne, ajoutant que sa délégation n'interviendrait pas dans le débat qui a lieu au Canada.

Elle a noté que M. Trump avait réfléchi en août à la possibilité d'obtenir «un moyen d'obtenir plus» de territoire pour Israël.

«Nous espérons que le monde libre et ses démocraties libérales agiront le plus tôt possible», a déclaré Mme Abuamara.

Lors de son passage au balado Red Passport, l'ancien ambassadeur du Canada en Israël, Jon Allen, a révélé qu'il avait entendu dire qu'Ottawa avait poussé ses pairs à approuver un vote en mai à l'Assemblée générale de l'ONU visant à la pleine reconnaissance de la Palestine.

«Je crois comprendre que nous essayions de convaincre les Australiens et les Néo-Zélandais de bouger et ils ne l'ont pas fait, donc nous ne l'avons pas fait», a-t-il dit dans l'épisode diffusé le 2 août.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne