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Des conseils contradictoires sont donnés sur la consommation d'alcool

durée 17h21
3 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

TORONTO — Alors que certaines personnes tentent de réduire leur consommation d’alcool et d’adopter le «Dry January», elles peuvent se tourner vers les agences de santé canadiennes pour obtenir des conseils, qui sont parfois contradictoires.

L’Institut canadien de recherche sur l’usage de substances a lancé cette semaine un site web où les utilisateurs peuvent calculer leurs risques pour la santé — notamment le cancer, les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux — en fonction de la quantité d’alcool qu’ils consomment.

Le site web s’appuie sur les lignes directrices publiées il y a deux ans par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), soutenu par le gouvernement, qui a indiqué que le risque de cancer augmente à des niveaux de consommation d’alcool beaucoup plus faibles qu’on ne le pensait auparavant.

Plus de deux verres standard par semaine exposent les personnes à un risque plus élevé, est-il précisé dans le rapport.

Santé Canada n’a toutefois pas adopté les changements publiés par le CCDUS en janvier 2023. Il conseille toujours aux Canadiens de limiter leurs consommations à 10 verres par semaine pour les femmes et à 15 verres par semaine pour les hommes.

D'après le CCDUS, cette quantité expose une personne à un «risque de plus en plus élevé» de développer une maladie grave, notamment le cancer du sein et du côlon.

Le guide de Santé Canada est en vigueur depuis 2011 et le gouvernement s'y tient, a déclaré jeudi à La Presse Canadienne le bureau de la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances.

Le Dr Timothy Naimi, directeur de l'Institut canadien de recherche sur l'usage de substances à l'Université de Victoria, a souligné que les directives contradictoires «constituent un problème récurrent pour la communauté de la santé publique et les scientifiques» depuis deux ans.

Le Dr Naimi a été l'un des chercheurs impliqués dans l'élaboration des lignes directrices mises à jour du CCDUS et a dirigé la création du nouveau site web — knowalcohol.ca — qui permet aux gens de calculer leur risque et l'impact positif de la réduction de leur consommation d'alcool.

Les lignes directrices de Santé Canada et du CCDUS indiquent que la seule approche à risque zéro en matière d'alcool est de ne pas en boire du tout.

«L'alcool demeure la principale cause évitable de problèmes de santé et sociaux au Canada», a soutenu le Dr Naimi.

«Je pense que beaucoup de Canadiens souhaitent boire moins. Mais si vous regardez bien, les gouvernements n'ont pas vraiment suivi le mouvement avec le type de politiques qui aideraient les gens à boire moins, vous savez, en quelque sorte pour les guider dans cette direction», a-t-il ajouté.

Peu de personnes informées

L'alcool est un cancérogène du groupe 1, selon le Centre international de recherche sur le cancer, ce qui le place dans la même catégorie que la fumée de tabac et l'amiante, ainsi que plus de 100 autres substances.

Le médecin-chef des États-Unis, Dr Vivek Murthy, a appelé vendredi à une plus grande sensibilisation du public au lien entre l'alcool et le cancer, notamment en apposant des étiquettes d'avertissement sur les bouteilles et les contenants d'alcool.

Moins de la moitié des adultes américains savent qu'il existe un lien entre l'alcool et sept types de cancer, dont ceux du sein, du foie, le colorectal, de l'œsophage, de la bouche, de la gorge et du larynx, d'après l'avis du Dr Murthy.

Un nombre similaire de Canadiens ignorent le lien entre l'alcool et ces types de cancer, a précisé le Dr Naimi.

«La plupart des gens obtiennent leurs informations sur l’alcool auprès de l’industrie (de l’alcool), ce qui signifie qu’ils n’obtiennent pas d’informations sur le fait que l’alcool cause le cancer», a-t-il déclaré.

«À l’heure actuelle, le gouvernement n’exige aucun type d’avertissement ou d’information sanitaire sur les étiquettes d’alcool, contrairement à ce qui est exigé pour les cigarettes ou les produits à base de cannabis, ou franchement, pour tout autre produit alimentaire et boisson emballé vendu au Canada», a-t-il précisé.

Une mise à jour en cours

Dans un communiqué envoyé par courriel jeudi soir, le bureau de la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, Ya'ara Saks, a mentionné que la mise à jour officielle des directives sur l'alcool est en cours.

«Les directives canadiennes de 2011 sur la consommation d'alcool à faible risque demeurent les directives officielles pour les Canadiens et le site web de Santé Canada continue de refléter cela», a-t-il été expliqué.

«Les directives proposées par le CCDUS font partie des discussions avec un large éventail d'intervenants pour déterminer les meilleures approches pour communiquer au public les risques liés à la consommation d'alcool.»

Le Dr Naimi estime que l'hésitation du gouvernement fédéral à adopter les directives révisées était due à la «pression de l'industrie», notant que Santé Canada était «très satisfait du processus scientifique» qui les sous-tend.

La Presse Canadienne a demandé au bureau de Mme Saks si l'industrie de l'alcool faisait pression pour modifier les limites quotidiennes recommandées, si elle avait des inquiétudes concernant les preuves citées par le CCDUS et si elle croyait que les conseils contradictoires étaient déroutants pour les Canadiens qui cherchent à changer leurs habitudes.

Aucune réponse à ces questions n'avait été reçue vendredi après-midi.

Knowalcohol.ca a été lancé officiellement jeudi et une campagne de promotion sur les réseaux sociaux débutera lundi.

Le Dr Naimi a indiqué que le but du site n'est pas nécessairement de convaincre les gens d'arrêter complètement de boire, mais de «les informer d'une manière non menaçante» sur les effets de l'alcool.

Les utilisateurs entrent leur âge, leur sexe et le nombre de verres standard qu'ils consomment par semaine et ont la possibilité de calculer leurs risques pour la santé, le montant d'argent que leur coûte la consommation d'alcool ou le nombre de calories qu'ils consomment.

Le calculateur de knowalcohol.ca offre également la possibilité d'entrer le nombre de verres que l'utilisateur pourrait envisager de réduire et de voir quelle différence cela pourrait faire.

«Si vous buvez, vous savez que vous pouvez réduire votre consommation à deux ou trois verres par jour et que vous vous en sortirez beaucoup mieux, même si vous êtes toujours dans la zone à risque élevé», a souligné le Dr Naimi.

Les effets néfastes sur la santé d’une quantité donnée sont exprimés en pourcentages de risque de développer un cancer, en nombre de cigarettes correspondant au nombre de verres consommés et en nombre de minutes de vie perdues par verre.

«En fin de compte, ce que nous recherchons vraiment, c’est simplement que les consommateurs disposent d’informations crédibles et exploitables afin qu’ils puissent faire leurs propres choix», a soutenu le Dr Naimi.

Nicole Ireland, La Presse Canadienne

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