Des Américains habitant au Canada comprennent la colère qui vise leur pays


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Par La Presse Canadienne, 2024
Kimberly Waletich n’est pas Canadienne. Mais, lorsque le premier ministre Justin Trudeau a appelé ses concitoyens à «brandir fièrement notre drapeau» le mois dernier, pour le jour du drapeau national, elle a accroché l'unifolié devant sa maison d’Ottawa en signe de solidarité alors que l’économie et la souveraineté du Canada étaient menacées par son propre pays.
«Nous avons déployé un drapeau simplement pour faire savoir à nos voisins, que nous aimons beaucoup, que nous sommes solidaires avec le Canada», a déclaré la native de l'État américain de la Virginie dans une entrevue.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, le président Donald Trump n’a pas ménagé ses occasions d’attaquer le Canada. Il a déclenché une guerre commerciale avec le plus proche allié des États-Unis en imposant des droits de douane sur les produits canadiens et a déclaré qu’il voulait user de pressions économiques pour annexer le Canada et en faire le «51e État».
Les Canadiens ont réagi avec un mélange de colère, de frustration et de fierté nationale — des sentiments compris et partagés par certains Américains qui considèrent désormais ce pays comme le leur.
«Je suis vraiment embarrassé, a indiqué Mme Waletich. Je vais être honnête. C'est vraiment incroyable, un peu dystopique, ce qui se passe aux États-Unis en ce moment.»
Mme Waletich a expliqué que sa famille, qui est maintenant résidente permanente du Canada, avait d'abord quitté les États-Unis parce que son mari y avait trouvé un emploi au Québec en 2018, mais aussi à cause de la première présidence de M. Trump.
Elle a noté que son fils de 12 ans s'identifiait davantage comme Canadien et que la famille était du côté du Canada lors du tournoi de hockey de la Confrontation des 4 nations — où des supporters canadiens ont hué l'hymne national américain.
Mme Waletich a déclaré soutenir pleinement les efforts collectifs visant à boycotter les produits américains et à acheter des produits fabriqués au Canada en réponse aux tarifs douaniers de M. Trump.
«Nous nous efforçons également d'acheter des produits canadiens dans les magasins et de faire notre possible pour soutenir notre pays d'adoption», a-t-elle déclaré.
Un sentiment anti-américain en hausse
Plus d'un million d'Américains vivent au Canada, selon les estimations de l'Association of Americans Resident Overseas. Ce nombre comprend les visiteurs titulaires de visas de longue durée et les citoyens ayant la double nationalité.
Ceux qui ont parlé à La Presse Canadienne disent comprendre pourquoi le sentiment anti-américain est en hausse partout au pays.
Karen Morley, une vétérane de l'armée de l'air américaine qui vit maintenant à Regina, a déclaré que la colère est principalement dirigée contre l'administration Trump, mais qu'elle est également ressentie par la communauté américaine au Canada. Elle ne blâme cependant pas les Canadiens — même ceux qui, dit-elle, l'ont bloquée sur les réseaux sociaux parce qu'elle est américaine.
Mme Morley, qui est originaire de Philadelphie, a déménagé au Canada en 2011 après avoir épousé un Canadien.
Elle a reçu un diagnostic de cancer peu de temps après et témoigne avoir survécu grâce au système de santé canadien. Même si elle a dû payer 300 000 $ pour ses chirurgies, sa chimiothérapie et d'autres soins en tant que non-Canadienne, elle a dit que cela représentait environ le tiers de ce qu'elle aurait dû payer aux États-Unis pour son traitement.
Elle a dit avoir trouvé une communauté accueillante à Regina et avoir été soutenue pour démarrer son entreprise de fabrication de chocolat. Chaque année en juillet, elle et son mari accrochent côte à côte les drapeaux américain et canadien pour montrer leur amour pour les deux pays.
Les politiques de M. Trump nuisent autant aux Américains qu'aux Canadiens, a-t-elle estimé, ajoutant qu'elle comprend pourquoi des Canadiens décident de huer l'hymne américain lors d'événements sportifs.
«Dire que vous allez prendre le contrôle d'un pays souverain et ne pas vous attendre à ce genre de réaction est plutôt ridicule», a-t-elle déclaré.
D'autres Américains se disent heureux de voir le Canada tenir bon
Originaire de New York, Gail Marlene Schwartz et rédactrice et éditrice indépendante à Ottawa. Elle a raconté avoir passé 12 ans au Canada avant de revenir aux États-Unis, puis qu'elle était finalement revenue en septembre en raison de la situation politique dans son pays.
Elle a déclaré qu'elle était «très encouragée» par la réponse des Canadiens aux menaces de Donald Trump.
«Je pense que, ironiquement, cela semble servir à vraiment unir les Canadiens, a déclaré Mme Schwartz, qui a la double nationalité. Les Canadiens et le gouvernement s'unissent d’une manière différente de la dernière fois que j’étais ici. Le Canada ne se sentait pas aussi uni, et je pense que c’est une chose vraiment positive.»
Si elle ne se sentirait normalement pas à l'aise à l'idée de voir l'hymne américain hué, elle explique que ce n'est pas une période ordinaire.
«Les Canadiens ont besoin de s’exprimer et (…) ils réagissent aux actes d’agression.»
Jake Donaldson, un médecin de famille qui a déménagé à Calgary il y a trois ans, partage le point de vue de Mme Schwartz.
M. Donaldson, qui est originaire du Montana, a affirmé que les menaces contre son pays d’adoption sont effrayantes et qu’il pense que la réaction du Canada, qui comprend des droits de douane de rétorsion, est justifiable.
«Il semble tout à fait approprié que le Canada impose des droits de douane de rétorsion, et je pense que le fait que les Canadiens mettent vraiment de l'avant l’achat de produits canadiens est aussi une réponse appropriée», a-t-il déclaré, exhortant les Canadiens à ne pas tenir leur démocratie pour acquise.
Selon Mme Waletich, les menaces et l’incertitude économiques, combinées aux politiques qu'elle juge isolationnistes de l’administration Trump, représentent une opportunité pour le Canada.
«Les États-Unis créent un énorme vide dans le monde (…) en matière de leadership moral, a-t-elle affirmé. C’est une merveilleuse occasion pour le Canada de faire un vrai pas en avant sur la scène mondiale et d’être un leader.»
Sharif Hassan, La Presse Canadienne