Deep Sky dit qu'elle captera du CO2 dans l'atmosphère ce printemps
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — La firme montréalaise Deep Sky compte capter et stocker du CO2 provenant de l’atmosphère dès le mois de mars prochain.
En marge d'une conférence de presse à Montréal, mardi, le président et cofondateur de Deep Sky a annoncé que l'entreprise allait franchir un jalon important au cours des prochains mois.
«Au printemps, on va retirer du CO2 de l’atmosphère, on va le stocker et on va commencer à renverser la concentration de CO2 qui est à l’origine du réchauffement planétaire, rien de moins», a lancé Frédéric Lalonde, dans une entrevue avec La Presse Canadienne.
«On ne veut pas essayer une nouvelle technologie en plein mois de janvier en Alberta», alors «on attend la fonte de la neige» pour extraire les gaz à effet de serre, a-t-il précisé.
Un laboratoire d'expérimentation
L’été dernier, Deep Sky a installé un laboratoire d’expérimentation de différentes technologies de capture et de séquestration de dioxyde de carbone à Innisfail, en Alberta.
Près de 100 technologies provenant du monde entier auraient été évaluées sur ce site, appelé «Deep Sky Alpha Lab» et qui serait alimenté entièrement avec de l'énergie solaire.
Deep Sky prévoit éliminer 3000 tonnes de CO2 de l’atmosphère par année sur ce site, une quantité évidemment trop modeste pour avoir un impact sur le climat.
L’industrie du captage du dioxyde de carbone n’est pas encore prête à retirer à grande échelle ce gaz à effet de serre de la planète, mais le but de Deep Sky est de mettre à l’essai différentes technologies, pour trouver les plus prometteuses et accélérer leur commercialisation.
«Certaines technologies vont fonctionner et d’autres pas» et à travers ces expériences, on va «découvrir, de façon empirique et réelle», les options les moins énergivores, les moins coûteuses et les plus efficaces, a expliqué M. Lalonde.
Une entente avec la RBC et Microsoft
Les rêves de la firme montréalaise, qui a obtenu du financement du gouvernement du Québec, mais aussi du fédéral, attirent l’attention.
D’ailleurs, la quantité de molécules de CO2 que Deep Sky compte retirer de l’atmosphère à partir du printemps, aussi petite qu'elle soit, sera comptabilisée et échangée contre des crédits carbone.
«On a annoncé la participation de Microsoft et de la Banque Royale du Canada comme les premiers clients et tous les crédits carbone qui seront générés par ce site ( le site d’Innisfail,) ont déjà été vendus», a expliqué Frédéric Lalonde.
L'accord avec les deux clients prévoit l'élimination initiale de 10 000 tonnes de CO2 par Deep Sky et «l'option d'éliminer un million de tonnes supplémentaires grâce aux futurs projets commerciaux de l'entreprise», selon un communiqué publié il y a quelques semaines.
Un cadre législatif présent en Alberta
Il est prévu que le dioxyde de carbone capturé sur le site de Deep Sky en Alberta soit injecté à 2 kilomètres sous terre, «où il restera en toute sécurité pendant des milliers d'années», selon le site internet de l’entreprise.
«En Alberta, contrairement au Québec, pour le moment, c'est légal et structuré. Il y a un cadre de lois pour injecter du CO2 de façon sécuritaire, sous terre. Au Québec, on est en train de développer le protocole, donc on est allé s'installer en Alberta parce qu'on pouvait immédiatement lancer nos opérations», a indiqué Frédéric Lalonde.
Il a précisé que son entreprise continue ses projets exploratoires au Québec.
Elle a récemment réalisé une étude de préfaisabilité pour analyser la géologie de la région de Bécancour.
«On a découvert un potentiel de stockage de millions de tonnes, sous notre vallée de l’énergie», a indiqué l'entrepreneur.
La géologie du Québec et du Canada, la capacité d'y séquestrer du CO2 ainsi que les ressources naturelles qu'on retrouve sur le territoire font en sorte «qu'on a le potentiel d’être l’Arabie saoudite du changement climatique», selon lui.
En raison de «ce potentiel», selon le PDG de Deep Sky, «on a une responsabilité morale de développer» l’industrie de captage et du stockage de CO2 et «si on ne le fait pas, quelqu’un d’autre va le faire à notre place».
Un outil, mais pas une panacée
Dans un rapport publié récemment, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) reconnaît que le captage du carbone est un outil important dans la lutte contre le changement climatique — en particulier lorsqu’il s’agit de compenser les émissions de secteurs qui n’ont pas de solutions de rechange viables.
Toutefois, le rapport met en garde contre les «attentes excessives» et la dépendance à l’égard de ce type de technologie.
Le rapport indique également que limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 degré Celsius, l’objectif auquel la communauté internationale s’est engagée avec l’accord de Paris, nécessiterait que 32 milliards de tonnes d’émissions soient séquestrées par le captage du carbone d’ici 2050.
«La quantité d’électricité nécessaire pour alimenter ces technologies serait supérieure à la demande mondiale d’électricité actuelle», peut-on lire dans le rapport, qui ajoute que cette quantité de carbone capturé nécessiterait également une augmentation des dépenses mondiales consacrées à la technologie, qui passeraient de 4 milliards $ en 2022 à 3500 milliards $ d’ici 2050.
Selon un autre rapport, rédigé par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIECC) et qui porte sur les façons d’atténuer le réchauffement climatique, une baisse radicale de la consommation d'énergie fossile s'impose pour limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 degré.
Le rapport du GIECC publié en avril 2022 indique que, parallèlement à des réductions substantielles des émissions, les technologies comme la capture et la séquestration du carbone offrent un potentiel important de diminution des GES.
Stéphane Blais, La Presse Canadienne