De nombreux Canadiens se ruent sur l'application chinoise RedNote

OTTAWA — Au moment où TikTok est sur le point d'être bannie aux États-Unis, de nombreux utilisateurs canadiens se tournent vers l'application de médias sociaux chinoise rivale Xiaohongshu, également connue sous le nom de RedNote, la propulsant au sommet des classements de téléchargement au Canada.

L'interdiction est motivée par des préoccupations de sécurité concernant la société mère chinoise de TikTok, ByteDance Ltd. Les lois chinoises sur la sécurité nationale obligent les organisations du pays à aider le gouvernement à recueillir des renseignements.

La Cour suprême des États-Unis a confirmé vendredi à l'unanimité la loi fédérale qui interdira TikTok à partir de dimanche à moins que ByteDance ne la vende. La cour a indiqué que la menace pour la sécurité nationale posée par les liens de TikTok avec la Chine l'emporte sur les inquiétudes concernant la limitation de la liberté d'expression de l'application ou de ses 170 millions d'utilisateurs aux États-Unis.

L'interdiction imminente a incité de nombreux utilisateurs aux États-Unis et au Canada à installer l'application Xiaohongshu, mieux connue sous le nom de RedNote, qui est établie, directement en Chine et conçue en mandarin.

Stephanie Carvin, professeure agrégée d'affaires internationales à l'Université Carleton, a souligné que TikTok disposait au moins de certaines garanties théoriques, comme l'assurance que ses données seraient conservées aux États-Unis et non partagées avec la Chine.

«Aucune de ces protections, même rudimentaires, n'existe avec RedNote», a mentionné Mme Carvin.

En 2023, les dirigeants de TikTok ont comparu devant un comité parlementaire et ont déclaré aux députés canadiens que l'application n'était pas contrôlée par le gouvernement chinois et que les données canadiennes étaient stockées sur des serveurs aux États-Unis, en Malaisie et à Singapour.

Interrogée sur l'utilisation croissante de RedNote par les Canadiens, Audrey Champoux, porte-parole du ministre de l'Industrie, François-Philippe Champagne, a avancé que «les Canadiens devraient prendre des décisions éclairées concernant leurs données personnelles et examiner attentivement la manière dont elles sont utilisées».

Un porte-parole du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) n'a pas directement abordé RedNote, mais a déclaré que ses «préoccupations spécifiques concernant TikTok découlent de ses liens avec (la Chine), et qu'en raison de cela, il existe des préoccupations de sécurité nationale liées à l'application».

Le communiqué du SCRS a noté qu'en 2023, la Chine «a continué d'étendre les pouvoirs et les capacités nationaux de ses services de sécurité».

En novembre, M. Champagne a annoncé que le gouvernement ordonnait la dissolution de l'activité canadienne de TikTok à la suite d'un examen de sécurité nationale. L'application restera disponible au Canada et l'entreprise conteste l'ordre de fermeture devant les tribunaux.

Loin d'être découragés

Les problèmes de sécurité n'ont toutefois pas découragé les utilisateurs qui ont fait de RedNote l'application la plus téléchargée de la boutique d'applications canadienne de Google. RedNote était également en tête du classement des téléchargements d'Apple sur son site web canadien jeudi.

L'ambassade de Chine au Canada a partagé jeudi un message en ligne de l'agence de presse chinoise Xinhua avec une vidéo montrant des utilisateurs américains et chinois interagissant sur RedNote, beaucoup d'entre eux partageant des photos de leurs chats.

D'anciens utilisateurs de TikTok ont publié des messages sur les deux plateformes se moquant des préoccupations de sécurité nationale concernant TikTok, comme des blagues sur le fait de devoir dire au revoir à «mon espion chinois». L’exode vers RedNote est également motivé par ce que Mme Carvin a qualifié de manque de confiance compréhensible dans les pratiques et la protection des données des grandes entreprises occidentales de médias sociaux.

Selon elle, certains de ces utilisateurs affirment qu’une grande partie de leurs données ont déjà été volées ou exploitées par des algorithmes qu’ils ne comprennent pas et qu’ils ne font pas moins confiance aux entreprises chinoises qu’aux entreprises nord-américaines.

L’utilisation de RedNote est toujours risquée, a-t-elle précisé.

CNN a rapporté jeudi que la plateforme a embauché des modérateurs de contenu en anglais et que les nouveaux utilisateurs sont confrontés à une censure de style chinois.

Mme Carvin a noté qu’Ottawa n’a toujours pas fourni les raisons pour lesquelles il a ordonné la fermeture des activités canadiennes de TikTok.

«Si ces applications posent problème, soyez ouvert et transparent avec les Canadiens sur la nature de ces problèmes», a-t-elle déclaré.

«En fin de compte, la raison pour laquelle nous nous trouvons dans cette situation est un véritable échec de la politique gouvernementale des États occidentaux, en particulier en ce qui concerne la confidentialité des données, l'application de la protection des données, et leurs propres échecs en matière de transparence sur certains problèmes de sécurité concernant ces applications.»

L'avenir de TikTok aux États-Unis reste incertain. Le président élu américain Donald Trump avait demandé à la Cour de suspendre l'interdiction jusqu'à son entrée en fonction lundi. Le républicain avait soutenu qu'il «sauverait» TikTok, sans préciser exactement ce qu'il ferait.

— Avec des informations de l'Associated Press

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne