Dans son livre, Lisée révèle des secrets sur Trudeau et Lévesque


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Par La Presse Canadienne, 2024
QUÉBEC — Lorsqu'ils étaient jeunes, Pierre Elliott Trudeau a évité la conscription à deux reprises et René Lévesque était convaincu que le Québec n'avait aucun avenir.
C'est ce que révèle l'ex-chef du Parti québécois et chroniqueur Jean-François Lisée dans son livre qui paraîtra mardi intitulé «Lévesque/Trudeau: Leur jeunesse, notre histoire».
Il se penche sur les destins croisés de ces deux géants de la politique, qui ont été amis, puis adversaires, s'affrontant lors de la Crise d'octobre, du référendum de 1980 et du rapatriement de la Constitution.
Pierre Elliott Trudeau a 20 ans lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate. En mai 1944, le juge Léon Lajoie lui permet de cesser son entraînement militaire pour aller étudier l'espagnol à l'Université de Mexico.
À son retour en septembre, le jeune Trudeau reçoit cependant l'ordre de rejoindre une unité, ce qu'il ne veut pas faire, car il souhaite poursuivre des études au-delà du droit, à Harvard.
Encore une fois, Léon Lajoie, de la Commission de mobilisation pour le territoire de Montréal, lui accorde un sursis, mais pas pour les raisons habituelles liées à «l'industrie» et à l'«objection de conscience».
L'histoire ne dit pas si les deux hommes se connaissent personnellement.
Le juge Lajoie, nous raconte M. Lisée, est cependant proche d'un professeur devenu le recteur du Collège Jean-de-Brébeuf, l'alma mater de Pierre Trudeau, qui excelle à l'école.
Ce dernier évite la conscription une deuxième fois en avril 1945, alors qu'il demande au juge Lajoie quelques mois supplémentaires afin d'achever ses études à Harvard. Le sursis lui est accordé.
Tout cela était tout à fait légal, mais Pierre Trudeau n'en a jamais soufflé mot, parce que ça aurait été «politiquement dommageable pour lui», souligne M. Lisée en entrevue à La Presse Canadienne.
«C'était l'époque où on posait la question: "Qu'avez-vous fait pendant la guerre, monsieur?" (...) Ça aurait pu lui nuire dans sa course au leadership, puis au moment de son élection.»
De son côté, René Lévesque, ancien premier ministre du Québec, qui a déclenché un référendum sur l'indépendance en 1980, tenait un discours plutôt défaitiste lorsqu'il était jeune, a trouvé M. Lisée.
À la fin des années 1940, le journaliste Lévesque est convaincu que le Québec n'a aucun avenir et que Montréal va se transformer sous ses yeux en une ville anglophone et américaine.
Il écrit: «En dépit des traditions et des discours, malgré les fleurs de lys et la nostalgie (toute scolaire) de l'Ancien Régime, nous sommes des Américains. Nous pensons, nous sentons, nous vivons en Américains.»
«Montréal, seconde ville française de l'univers, va bientôt s'endormir sur un matelas Simmons, (...) après avoir disposé pour le petit déjeuner le Toastmaster, le Peanut Butter et le Pineapple Cheese.»
Il n'est pas non plus tendre envers les Québécois, qui affichent une «lourdeur d'esprit et de langage, une sereine et confortable affection pour les lieux communs et les platitudes bien-pensantes», selon lui.
Ce qui est révélé dans ce livre, c'est l'ampleur du pessimisme de René Lévesque, qui déclare dans «Le Clairon» de Saint-Hyacinthe que le Québec est «sans lendemain», a expliqué M. Lisée en entrevue.
«Sa conversion au nationalisme et à l'indépendantisme est d'autant plus remarquable qu'il partait d'une position d'absence d'espoir pour sa nation», a-t-il soutenu.
«Lévesque/Trudeau: Leur jeunesse, notre histoire» est le premier volet d'un triptyque qui comprendra aussi «Leur ascension, notre histoire» et «Leur affrontement, notre histoire».
Caroline Plante, La Presse Canadienne