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Crise des opioïdes: nouveau médicament contre la douleur aiguë

durée 10h58
6 février 2025
La Presse Canadienne, 2024
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3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — L'autorité américaine de réglementation des médicaments, la puissante FDA, a récemment approuvé son premier analgésique non opioïde en plus de vingt ans.

La suzetrigine agit en bloquant ce qu'on appelle des «canaux sodiques» pour empêcher le signal de douleur de se rendre jusqu'au cerveau. Elle n'agit donc pas directement sur le cerveau, contrairement à ce que font les opioïdes; le risque de développer une dépendance semble donc inexistant.

«C'est très intéressant parce que c'est une nouvelle classe de médicaments, a commenté la cheffe du service de douleur chronique au CHU de Québec-Université Laval, la docteure Anne Marie Pinard. La cible du médicament, l'endroit où il va agir, est nouvelle.»

L'action de la suzetrigine est identique à celle d'analgésiques locaux comme la lidocaïne, mais c'est la première fois qu'on réussit à développer un comprimé à cette fin.

Sans entrer dans des détails trop techniques, le corps humain compte neuf canaux sodiques qui sont numérotés de Nav1.1 à Nav1.9. Ces canaux ne peuvent être bloqués de manière indiscriminée, puisqu'ils sont tout simplement essentiels au bon fonctionnement de l'organisme.

La suzetrigine bloque uniquement le canal sodique Nav1.8, ce qui interfère avec le signal de la douleur sans nuire au bon fonctionnement d'organes comme le cœur ou le cerveau. La suzetrigine serait jusqu'à trente mille fois plus puissante pour bloquer les canaux Nav1.8 que tous les autres types de canaux sodiques.

«C'est nouveau qu'on puisse cibler une sous-unité de ces canaux-là et qu'on puisse le donner par la bouche», a précisé la docteure Pinard.

Lors de deux essais cliniques regroupant un millier de participants, la suzetrigine s'est révélée aussi efficace que les opioïdes dans le soulagement de la douleur après deux interventions chirurgicales jugées modérément douloureuses.

La suzetrigine a engendré moins d'effets secondaires que les opioïdes et n'était accompagnée d'aucun risque de dépendance.

«Et c'est là que réside l'intérêt de cette classe de médicaments, a dit la docteure Pinard. C'est probable que ça n'induise aucune dépendance.»

On ne sait pas pour le moment si le produit pourrait avoir la même efficacité face à la douleur chronique. Un essai clinique réalisé à ce sujet a donné des résultats décevants, «mais on est encore dans le très préliminaire», a dit la docteure Pinard.

Reste que l'arrivée sur le marché d'une nouvelle classe de médicament est une excellente nouvelle dans le contexte actuelle de crise des opioïdes, a-t-elle ajouté.

«Entendons-nous, l'immense majorité des gens qui utilisent des opioïdes après une fracture de la cheville ou une chirurgie ne deviennent pas dépendants, a rappelé la docteure Pinard. Mais on sait que la majorité des gens qui vont devenir dépendants ont commencé leur consommation avec des opioïdes qui avaient été prescrits soit pour eux, soit pour quelqu'un d'autre.»

Mais si au départ on peut traiter la douleur aiguë en utilisant une classe de médicaments qui ne semble pas induire de dépendance parce qu'elle n'agit pas au niveau du cerveau, «peut-être qu'on a là une partie de la solution», a-t-elle dit.

La suzetrigine n'a pour le moment été approuvée qu'aux États-Unis et rien ne garantit que Santé Canada emboîtera le pas à la Food and Drug Administration.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne