Chirurgie du foie: nouvelle technique pour avoir besoin de moins de transfusions
Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — Prélever dix pour cent du sang d’un patient avant une chirurgie importante du foie, puis lui retransfuser pendant ou après l'opération, permet de réduire de moitié le nombre de transfusions requises, a démontré une équipe de chercheurs canadiens et québécois.
Connue sous le nom de phlébotomie hypovolémique, cette pratique minimise les saignements pendant l'intervention et pourrait permettre de préserver les réserves des banques de sang en évitant qu’un patient sur onze qui subit cette intervention chirurgicale ait ensuite besoin d’une transfusion.
«La technique est connue depuis plusieurs années, mais elle est sous-utilisée et sous-étudiée», a dit le coauteur principal de l'étude, le docteur Guillaume Martel, qui est notamment titulaire de la Chaire de la famille Vered pour la recherche hépato-pancréato-biliaire à L’Hôpital d’Ottawa et à l’Université d’Ottawa.
«Mais il y a un parallèle dans d'autres domaines médicaux. En chirurgie de trauma, par exemple, si on remplit les patients (qui ont une hémorragie importante) de produits sanguins trop agressivement, ils vont saigner beaucoup plus. Il y a donc lieu, si on veut, de contrôler l'hypovolémie.»
Le docteur Martel et ses collègues du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke et de l’Hôpital général de Vancouver ont recruté, entre 2018 et 2023, 446 patients ayant subi une chirurgie majeure du foie dans quatre hôpitaux canadiens.
Une fois sous anesthésie, les patients ont été répartis au hasard en deux groupes: phlébotomie hypovolémique et soins habituels. En cas de besoin, les patients du premier groupe recevaient tout d'abord le sang qui leur avait été prélevé.
Les données ont montré que 7,6 % des personnes ayant bénéficié d’une phlébotomie hypovolémique ont reçu des transfusions sanguines dans les trente jours suivant l’opération, contre 16,1 % des personnes ayant reçu les soins habituels.
On a par ailleurs évalué que le volume moyen de sang perdu pendant l'intervention était de 670 mL avec la phlébotomie hypovolémique, contre 800 mL avec les soins habituels. Les chirurgiens estiment donc que cette procédure facilite leur travail, puisqu'il y a moins de sang pour obscurcir les endroits à couper.
«C'est une grosse trouvaille dans notre domaine, a estimé le docteur Martel. J'ai été étonné par l'ampleur de la différence.»
Le prélèvement d’un demi-litre de sang, soit l'équivalent d'un don de sang, tout juste avant une chirurgie importante du foie est «la meilleure chose que nous ayons trouvée» jusqu’à présent pour réduire les pertes de sang et les transfusions, a complété le docteur Martel.
Il s'agit d'une procédure «sécuritaire, simple et peu coûteuse (...) qui permet d'abaisser la tension artérielle dans le foie», a-t-il assuré.
Plusieurs stratégies ont été essayées au fil des années pour contrôler les saignements pendant la chirurgie, avec un succès mitigé, a-t-il ajouté. «Mais à mon avis, c'est la première fois qu'on a un effet aussi important et aussi évident», a dit le chercheur.
On estime qu'entre un quart et un tiers des personnes qui subissent une chirurgie majeure du foie auront besoin d’une transfusion, a-t-on précisé par voie de communiqué.
Le cancer est la raison la plus fréquente de ces opérations et le fait de recevoir une transfusion pendant ou peu après l’opération peut être associé à un risque plus élevé que le cancer revienne.
«On veut vraiment éviter les transfusions non nécessaires», a conclu le docteur Martel.
L’équipe du docteur Martel a déjà testé la phlébotomie hypovolémique dans le cadre d’une chirurgie majeure du foie lors d’un essai de phase 1 à L’Hôpital d’Ottawa. La procédure fait maintenant l’objet d’un essai dans la transplantation du foie, et il pourrait être intéressant de la mettre à l’essai à l’avenir pour d’autres interventions chirurgicales entraînant des pertes de sang importantes.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical The Lancet Gastroenterology & Hepatology.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne