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Caucus préélectoral: Sur la ligne de départ, le Bloc rêve grand

durée 05h00
23 janvier 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

LAVAL — Le rassemblement avait des allures électorales. Poussés par les sondages favorables, dont certains les propulsent à l'opposition officielle, les militants bloquistes cachaient mal leur enthousiasme mercredi soir, à Laval, pas plus que leur chef qui les appelait tant bien que mal à la retenue.

«Lorsqu'on voit des moments comme maintenant où on le sent, où on le touche presque, ce sont des moments extraordinaires qu'il faut goûter», déclare Yves-François Blanchet, tout juste monté sur scène chaleureusement applaudi.

Le Bloc, avec ses 33 députés, voit grand à la veille d'élections qu'il croit presque imminentes. «Il n’y a pas si longtemps, qui aurait pu dire que le Bloc avait des vissées sur des comtés de Laval», ajoute M. Blanchet au sujet de la troisième ville la plus peuplée du Québec, qui est actuellement peinte de bord en bord d'un rouge libéral.

Les ingrédients étaient réunis pour créer la magie aux yeux des quelques centaines de militants réunis. La chanteuse Marie-Élaine Thibert venait d'interpréter «Il était une fois des gens heureux» de l'auteur-compositeur Stéphane Venne, une icône québécoise décédée ces derniers jours.

Des militants chantaient, d'autres se dandinaient. «Bravo! L’émotion était là», lui chuchote un des organisateurs de la soirée non loin des oreilles indiscrètes de la presse parlementaire.

Cet organisateur, Christian Picard, expliquera par la suite que l'identité et la culture vont de pair, que «c'est dans les tripes» que se trouve «notre quête de donner un pays à notre nation».

«Une page d'histoire historique»

Les mots souveraineté et indépendance, servis à profusion, étaient à eux seuls de forts moteurs d'applaudissements.

L'ancien maire de Laval Marc Demers, qui a pris la parole, dira justement qu'une «victoire» du Bloc mettrait «la table pour l’élection du PQ» et «pour le référendum».

«J'ai l'impression que, dans les prochains mois, les prochaines années, nous allons être en mesure d’écrire une page d’histoire historique pour la nation québécoise», ajoute-t-il.

Le Bloc dispose d'une confortable avance au Québec, sondage après sondage. Et le site Canada338 projette qu'il raflerait environ 42 sièges si des élections ont lieu. Actuellement, les bloquistes détiennent 33 sièges aux Communes. Leur record, 54, a été atteint à la fondation du parti en 1993, puis en 2004, lors de l'élection qui a suivi le scandale des commandites.

Mais il ne faut rien prendre pour acquis, insiste M. Demers, ce que le chef bloquiste approuve d'un hochement de tête affirmé.

Or, l'ancien maire n'a pas précisément saisi la leçon. «Il (M. Blanchet) est très réaliste, et il n'est pas question de se vanter, sauf quand on est en famille comme on l'est là.»

Dans la salle, Sylvie Moreau, une résidente de Laval, croit fermement que le Bloc peut très bien faire changer la couleur des circonscriptions de sa ville. Pendant bon nombre d'années jusqu'en 2011, le Bloc avait trois sièges, fait-elle remarquer. Seule Laval—Les Îles, à l'ouest, leur échappait.

Non loin d'elle, Claude Richard, un vieux de la vielle, qui a sa carte du Parti québécois et celle du Bloc depuis leur fondation, est plus nuancé.

«Il y a des secteurs qui sont prenables», tranche-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne. Mais d'autres sont «trop disparates». Le centre de l'île, par exemple, est «très cosmopolite» et moins indépendantiste, ce qui rendra la tâche plus ardue aux troupes bloquistes, selon lui.

Montréal, Québec, alouette

L'événement attire des militants de Montréal, comme Steve Laroche qui s'est notamment pointé pour montrer que le Bloc n'est pas un parti de têtes blanches.

Son frère Carl et lui habitent sur le Plateau. Justement, Laurier–Sainte-Marie est une circonscription que le Bloc aimerait bien arracher au ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault.

Le terreau est-il aussi fertile qu'à l'époque – de 1990 à 2011 – où l'ancien chef du Bloc Gilles Duceppe était député?

«C'est peut-être possible, hésite Carl. Le Plateau a changé beaucoup. Il y a beaucoup de Français qui sont arrivés. Et ça s'anglicise beaucoup, la partie qu'on appelait le ghetto de McGill. Des étudiants, il y en a beaucoup qui sont rendus presque au parc La Fontaine.»

Le Bloc entend déployer «beaucoup» d'énergie dans la métropole au cours des prochaines semaines. L'objectif est de faire des gains dans l'est et le centre. La circonscription de la ministre Soraya Martinez Ferrada est particulièrement dans leur mire.

Et dans la deuxième plus grande ville, Québec, après analyse des sondages, il croit pouvoir rafler la majorité des comtés, à commencer par celui du ministre Jean-Yves Duclos (Québec, qui deviendra Québec-Centre) et celui du député libéral Joël Lightbound (Louis-Hébert).

Leur candidat dans Québec-Centre, Simon Bérubé, avait aiguisé ses lignes de communication. «Les gens de Québec, aussi, ce qu'ils veulent, c'est un porte-parole de Québec à Ottawa. C'est pas un porte-parole d'Ottawa à Québec», a-t-il envoyé en entrevue, non sans rappeler que M. Duclos est le lieutenant politique de Justin Trudeau.

De manière générale, les bloquistes interrogés semblaient avoir peine à y croire en traduisant ce que laissent entrevoir les sondages. Mais ils se plaisent à rêver grand.

«Ultimement (...), c'est un enjeu de confiance», leur dira leur chef. Celle d'être désignés comme ceux qui seront la voix des Québécois.

Parce que lui se met à rêver d'un jour.

«Un jour, on leur dira: "Vous nous avez fait confiance. Vous avez fait confiance au Parti québécois. Aujourd'hui, on vous invite à réfléchir à l'indépendance du Québec. Faites-nous confiance. Réfléchissons ensemble", raconte-t-il. Ce sera le moment de se donner enfin, comme tout le monde, notre pays.»

Michel Saba, La Presse Canadienne