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Aucune preuve scientifique n'associe les odeurs à la performance athlétique

durée 09h45
8 mars 2025
La Presse Canadienne, 2024
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Temps de lecture   :  

3 minutes

Par La Presse Canadienne, 2024

MONTRÉAL — Aucune preuve scientifique ne permet de conclure que certaines odeurs améliorent la performance athlétique, préviennent deux chercheurs de l'Université de Montréal qui se sont intéressés à la question.

Les études scientifiques qui indiquent le contraire sont de qualité douteuse: le nombre de participants est faible, il s'agit habituellement de jeunes dans la vingtaine en bonne santé, aucune comparaison n'est faite entre la performance «avec» ou «sans» odeur et ainsi de suite.

Il est aussi bien évidemment impossible d'écarter que l'amélioration constatée soit attribuable à l'effet placebo, puisque qu'on ne peut pas cacher au participant qu'il est exposé à une odeur quelconque.

Tout semble être une question de perception, a précisé la professeure Marie-Ève Mathieu, de l'École de kinésiologie et des sciences de l'activité physique de l'Université de Montréal.

«Quand on mesure la vraie performance, il n'y a rien qui change, a-t-elle dit. Mais il semble y avoir cette perception que l'effort à fournir est moins grand.»

On dispose aussi de très peu d'études sur les effets néfastes potentiels de l'utilisation de ces substances, a souligné la professeure Mathieu.

Une de ces rares études prévient toutefois que les sels d'ammoniaque pourraient camoufler les symptômes d'une commotion cérébrale.

«L'ammoniaque va créer un inconfort respiratoire que le jeune va associer à l'ammoniaque plutôt qu'à un symptôme de la commotion», a expliqué Mathieu Cournoyer, qui poursuit ses études supérieures en kinésiologie sous la direction de Mme Mathieu.

Les auteurs de cette étude publiée l'automne dernier par le journal Sports Health précisent que «les inhalants d'ammoniac n'ont aucun rôle à jouer dans la gestion médicale des traumatismes crâniens, car ils sont susceptibles d'exacerber une lésion cérébrale sous-jacente en raison du réflexe de retrait involontaire associé à l'inhalation d'ammoniac».

En outre, disent-ils, «les signes et symptômes d'une commotion cérébrale ou d'un traumatisme crânien plus grave peuvent être masqués par l'inhalation d'ammoniac et conduire à la poursuite de la compétition, causant ainsi des dommages supplémentaires».

Le problème le plus important, concluent les auteurs, «est l'utilisation inappropriée de l'inhalation d'ammoniac comme substitut à une évaluation médicale, ce qui peut retarder le diagnostic et le traitement optimal d'un traumatisme crânien présumé».

Hockey Québec a annoncé le 11 février qu'il interdisait l'utilisation des sels d'ammoniaque aux joueurs mineurs, au moins jusqu'à la fin de la saison. Cette mesure a été adoptée en réaction à divers incidents lors desquels des entraîneurs ou gérants ont demandé à leurs jeunes de respirer ces sels dans l'espoir d'améliorer leur performance sur la glace.

Au-delà des dangers potentiels pour la santé des jeunes, a dit Mme Mathieu, on devrait s'inquiéter du message que cela envoie aux joueurs.

«C'est le réflexe de penser que ces substances (vont remplacer) la préparation physique, le travail en lien avec le sport, la préparation psychologique, la nutrition, le sommeil et ainsi de suite, a déploré Mme Mathieu. C'est un très mauvais réflexe à donner à des jeunes de 10 ou 11 ans qu'il faut prendre des substances pour performer dans le sport. Les jeunes n'ont pas pris de stéroïdes, mais c'est un drôle de message.»

D'autant plus, poursuit-elle, que des «études élégantes» montrent que la musique peut stimuler la performance physique: si une séance d'entraînement de 30 minutes se fait sur fond d'une trame musicale qui nous plaît, «les gens vont plus pousser, ça a été mesuré et documenté».

On pourrait peut-être alors envisager d'organiser les séances d'entraînement au son d'une musique stimulante, a-t-elle suggéré.

Lors d'un récent discours, a rappelé Mme Mathieu, un des joueurs de tennis les plus dominants de tous les temps y est allé d'une confession étonnante.

«Roger Federer a dit que, à l'échelle de sa carrière, il avait gagné à peine plus de la moitié de ses points, a-t-elle dit. C'est normal de perdre, mais il a gagné au bon moment.»

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne