Au Canada, le tourisme hivernal n'est pas encore sur la pente descendante
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Par La Presse Canadienne, 2024
MONTRÉAL — La baisse de l'enneigement dans de nombreuses contrées, dont le Canada, donne un coup de chaud à l’industrie du tourisme hivernal, qui dépend majoritairement de la carte postale blanche et du couvert neigeux. Pour autant, la fréquentation des destinations touristiques hivernales canadiennes ne diminue pas. Elle a même largement augmenté depuis la saison 2022-2023.
La durée de l’enneigement a diminué de 5 à 10 % par décennie dans l'ensemble du pays, selon Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), et ce, pendant la plupart des saisons de 1981 à 2015. La saison 2023-2024 des stations de ski québécoises a d’ailleurs été en dents de scie à cause de ça, rapporte l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ). Leur bilan indique que l’hiver dernier, le plus chaud en 105 ans pour le sud du Québec, a souffert du manque de neige durant des périodes stratégiques, comme celle de Noël.
Les stations québécoises se sont vues obligées de fermer pour raisons météorologiques cinq jours et deux soirs, en moyenne sur la saison. La douceur et l’arrivée de la neige plus tardive sont à l’origine d'un recul de 13 % des journées skiables par rapport à l’année précédente, engendrant une baisse moyenne des skieurs de l’ordre de 10,6 %.
À l'inverse, les visiteurs hivernaux, qu’ils soient nationaux et internationaux, ont quant à eux augmenté de 18 % entre l'hiver 2022-2023 et celui de 2023-2024, d’après Statistique Canada. Les touristes étrangers, notamment, se font de plus en plus nombreux, avec une augmentation de 24 % de visiteurs séjournant au Canada. Proximité oblige, ceux-ci proviennent majoritairement des États-Unis (67 %), mais aussi du Mexique (4 %) et de l’Australie (2 %).
Chercher la neige comme d'autres cherchent le soleil
Les destinations hivernales semblent avoir la cote depuis quelques années auprès des pays émergents, dont l’apparition d’une classe moyenne a créé de nouveaux flux touristiques. De plus, plusieurs nationalités sont de plus en plus attirées par des pays dont les paysages d’un blanc immaculé à perte de vue constituent l’exotisme ultime, comme les Australiens, les Mexicains ou encore les Indiens.
L’Alliance de l’industrie touristique du Québec note également une forte augmentation des touristes asiatiques, provenant principalement du Japon et de la Corée du Sud. Ceux-ci ont de la neige chez eux aussi, mais choisissent de profiter des nouvelles liaisons directes vers l’est pour s'offrir de nouvelles expériences.
L’or blanc dont regorge encore le «Great White North» fait son petit effet à l’étranger. D’après la Veille touristique mondiale de la Commission canadienne du tourisme, «le Canada occupe la première place pour le positionnement concurrentiel de ses produits hivernaux». Et les différents ministères du Tourisme comptent bien développer l’attrait des hivers canadiens. Encore faut-il que la neige soit toujours au rendez-vous.
Moins de neige, plus d'activités
Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) anticipe une baisse de 5 à 10 % de l’équivalent en eau de la neige, par décennie, d’ici 2050, pour tout le sud du Canada. Les zones en premières lignes de ces diminutions sont les provinces maritimes et la Colombie-Britannique, selon les études d’ECCC. Face à ces bouleversements climatiques annoncés, l’industrie n’a d’autre choix que de s’adapter. L'utilisation accrue de canons à neige fait office de pansement sur le problème de l'enneigement pour les stations de ski, qui attirent la majorité des touristes durant la saison froide.
Mais, comme en avertissaient les conclusions du Congrès mondial du tourisme de neige et de montagne de 2022, atteindre la carboneutralité ne permettrait de préserver que 75 % des surfaces skiables dans le monde. Le congrès a souligné que les actions prises aujourd’hui ne feront sentir leurs effets qu’à partir de 2050 et que la technologie actuelle ne suffira pas à combler les besoins futurs si le monde n’atteint pas la carboneutralité. Diversifier les activités n’est donc plus une simple stratégie commerciale, mais un besoin absolu.
Le Canada a déjà entamé la manœuvre. Le ministère du Tourisme soutient que la saison hivernale est une mine d’or sous-exploitée dont le succès repose en bonne partie sur la création de nouveaux produits touristiques. Les aurores boréales se trouvent en tête de liste. Le phénomène lumineux constitue un incontournable auprès des touristes sondés par Destination Canada, l’organisme de marketing touristique du gouvernement fédéral.
Ce dernier prévoit toute une campagne promotionnelle afin de positionner le Canada comme «le pays des aurores boréales» auprès des touristes étrangers. «Observer des aurores boréales est une des principales activités que nos invités cibles souhaitent réaliser, au point d’en faire une expérience à laquelle ils consacreraient un voyage tout entier», explique l’organisme dans un courriel. «Nous savons également que le Canada est le meilleur endroit au monde pour admirer les aurores boréales: c’est ici qu’elles resplendissent le plus souvent, et c’est ici que l’on trouve les produits touristiques les plus exceptionnels pour les observer confortablement.»
Sur la liste figurent aussi les hébergements insolites, l’escalade sur glace, le vélo d’hiver, la découverte des cultures autochtones ou encore les croisières en brise-glace sur le Saint-Laurent, récemment lancées. Les grands événements culturels et sportifs constituent, bien sûr, la pierre angulaire de cette stratégie. Ceux déjà existants, comme le Carnaval de Québec ou l’Igloofest, attirent un nombre considérable de touristes et les entités touristiques d’un bout à l’autre du pays comptent bien multiplier ces événements pour augmenter leur attractivité tout en offrant aux touristes autre chose qu’un séjour de ski.
Dans son Plan stratégique 2023-2027, Québec espère dépasser les 65 millions de visiteurs annuels. Pour ce faire, le ministère du Tourisme prévoit «renforcer le rôle du tourisme comme levier de développement économique et de promotion du sentiment de fierté». Cela passe par la création de nouvelles occasions de tourisme hivernal qui cibleraient les marchés québécois et, à l'externe, ceux de l’Ontario et des États-Unis. Le plan cite, par exemple, le développement de la ville de Québec, dont le charme européen séduit déjà de très nombreux touristes du continent.
L’objectif pour le Canada de se tailler une plus grosse part du gâteau est d'autant plus appétissant, puisque la firme McKinsey estime qu'en 2024, les dépenses touristiques annuelles devaient avoisiner les 8600 milliards $ US, soit environ 9 % du PIB mondial. Et ce chiffre promet d'augmenter encore.
Caroline Chatelard, La Presse Canadienne