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Charte de la langue française

Les municipalités bilingues veulent que la Cour suspende des articles de la loi 96

durée 18h00
1 octobre 2024
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Par La Presse Canadienne

Faut-il mettre certains articles de la loi 96 sur la glace pour éviter que les municipalités à statut bilingue subissent un «grave préjudice» d’ici à ce que les tribunaux se penchent sur le fond de la loi visant à renforcer la Charte de la langue française?

C’est la question que la juge Silvana Conte, de la Cour supérieure, devra trancher sans se prononcer elle-même sur le fond de l'affaire puisque la loi 96 fait déjà l’objet de contestations diverses devant les tribunaux.

Vingt-trois municipalités à statut bilingue ont tenté lundi de faire valoir qu'elles ne doivent pas être soumises à certains articles de la loi 96, maintenant inscrits à la Charte de la langue française, sans quoi elles subiront un préjudice grave.

OQLF: pouvoir «abusif»

Leur avocat, le constitutionnaliste Julius Grey, affirme que ses clientes sont aux prises avec des articles de loi vagues qui pourraient les exposer à des sanctions par défaut de les avoir interprétés de la bonne façon. Aussi, elles ne veulent pas être soumises à la nouvelle règle selon laquelle les contrats doivent désormais être rédigés «exclusivement» en français.

Elles s'opposent également aux nouveaux pouvoirs de perquisition et de saisie de l’Office québécois de la langue française (OQLF) «qui sont plus grands que ceux de la police», avance Me Grey. Dans ce cas précis, le juriste a fait valoir que le pouvoir de perquisition sans mandat de l’OQLF, qu’il qualifie d’abusif, permettrait à celui-ci de saisir des documents contenant des informations personnelles sur les employés des municipalités ou qui seraient protégés par le secret professionnel.

Ses clientes en ont également contre le pouvoir du ministre responsable de la Langue française de les priver de subventions, incluant celles du gouvernement fédéral, en cas de non-respect de la loi et de l’obligation de sanctionner leurs employés qui contreviendraient à la Charte de la langue française, obligation qu'elles estiment vague et sujette à interprétation.

Préserver le statu quo

«Nous voulons préserver le statu quo jusqu'à la décision finale», a expliqué Me Grey lors d’une pause de l’audience.

«Il n'appartient pas à la juge, sur un sursis, de trancher toutes les questions de droit, mais la question est: quelle est la meilleure façon de continuer? Et c'est la position des municipalités qu'elles veulent continuer leurs habitudes d'avant jusqu'à la décision finale par une cour qui déterminera quelles sont leurs obligations sous la loi 96.»

Me Charles Gravel, représentant le Procureur général du Québec, a toutefois livré une réplique musclée devant la juge Conte, soutenant que «la totalité des arguments (des demandeurs) n’ont pas de fondement juridique ou de fondement factuel».

«Une créature du législateur provincial»

Parlant du fondement juridique, il a invoqué un concept qui hérisse depuis toujours le milieu municipal en rappelant que «les municipalités sont une créature du législateur provincial qui a une compétence totale et sans réserve» en matière de langue. Une municipalité, a-t-il ajouté, «ne détient que le pouvoir que lui confère le législateur provincial».

Quant à l’absence de fondement factuel, il a fait valoir que la demande était purement théorique puisque les municipalités n’ont présenté aucun témoin ayant subi le préjudice allégué. «On n’a pas d’exemples, on n’a pas de situation factuelle ou de preuve», a-t-il argué.

Les anglophones unilingues qui devraient «contracter dans une langue qu’ils ne comprennent pas, ils ne sont pas là ce matin», a-t-il poursuivi. En réplique, Me Grey a fait valoir que le préjudice qu’il invoquait n’avait besoin que d’être réel et non réalisé.

Me Gravel a poursuivi en soulignant que le pouvoir de perquisition et de saisie conféré à l’OQLF n’avait rien d’exceptionnel et s’apparentait au pouvoir d’inspection sans mandat et de saisie que possèdent d’autres entités administratives auprès des entreprises, par exemple.

La juge Conte a toutefois regardé le procureur provincial d’un œil dubitatif, soulignant que, dans ce cas-ci, «ce sont quand même des pouvoirs assez larges», qui étaient conférés à l’OQLF.

Craintes et incompréhension

Mais pour Charles Gravel, la demande des municipalités «est fondée sur des craintes et sur l’incompréhension de la loi», a-t-il martelé, affirmant que, contrairement aux prétentions de Me Grey, les nouvelles dispositions de la Charte de la langue française sont claires. «Des craintes, ce n’est pas suffisant pour obtenir un sursis», a tranché l’avocat.

Me Gravel a reconnu que la loi 96 présente «des inconvénients» pour les municipalités, mais «la loi est ainsi faite», a-t-il affirmé. Il a rappelé plus d'une fois que «les villes ne sont pas créées pour protéger des communautés linguistiques», laissant entendre qu'elles n'avaient pas la légitimité pour contester les lois linguistiques décidées par le gouvernement provincial.

Deux journées avaient été réservées pour l’audition de cette demande de sursis, mais il en a fallu moins d’une. La juge Conte a pris sa décision en délibéré tout en promettant de la rendre rapidement.

Les municipalités dont la moitié de la population ou plus est anglophone ont droit au statut de municipalité bilingue, statut qui leur permet d'utiliser l'anglais dans diverses situations, en autant qu'elles garantissent de pouvoir servir leur population en français également. Bien qu'une dizaine des 23 municipalités de la coalition des municipalités à statut bilingue soient situées dans la région de Montréal, la majorité d'entre elles sont en région, notamment en Outaouais, en Gaspésie, sur la Côte-Nord ou en Estrie, par exemple.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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